[Episode 2]
8h30. Dimanche 22 octobre. Pas beaucoup de monde sur la route. On ne mettra pas plus de 30 minutes pour arriver Place Bellecour et rentrer dans le bain de la Run In Lyon. Ma première course officielle.
L’épreuve fête sa 13e édition et je vais prendre le départ du 10km avec madame. Cette première course ne doit pas être banale. C’est pourquoi j’ai accepté l’invitation de l’agence Laforêt pour courir en soutien à l’association Docteur Clown. Elle permet, grâce aux clowns professionnels, d’apporter un monde fait de rires, de couleurs, de magie, de contes et de musique à des enfants hospitalisés. La motivation est là, courir pour Docteur Clown !
On s’est garé un peu loin, la marche à pied nous échauffera. Dans les rues peu de monde. Les terrasses de café prennent vie doucement. On traverse la gare de Perrache, où flotte dans l’air la bonne odeur de croissants chauds. Au milieu des voyageurs, équipés de blousons et chargés de leurs valises, on déambule tels deux ovnis, en short, t-shirt et baskets. Certains portent leur regard sur nous, « ils voyagent léger ceux-là » pensent-ils peut-être.
On retrouve l’air frais, en plus il fait beau. Après des jours pluvieux et gris, le soleil vient en spectateur nous apporter sa chaleur. Dans quelques heures la place va grouiller de monde, 30 000 participants dont plus de 14 000 inscrits sur le 10km (13565 présents au départ). Coureurs, accompagnateurs ou simples spectateurs vont fourmilier sur la place et le long des rues adjacentes au parcours.
Courir pour une bonne cause
Je vous l’écrivais plus haut, l’équipe Laforêt m’offre le dossard. Je rejoins donc les autres membres dans le village des entreprises où nous attendent les sacs contenant le maillot officiel de la Run In Lyon, notre dossard (et ses épingles) ainsi que le t-shirt blanc avec lequel je vais courir. Je suis assez fier de le revêtir.
On fait connaissance entre coureurs, certains plus affûtés que d’autres, mais unis sous la même bannière, nous sommes une team ! Le temps file plus vite. Il va être l’heure de nous rendre dans notre sas de départ. Chacun s’équipe, attache son dossard au maillot, enfile son gilet et vérifie sa gourde. Tout cela sans stress, avec les consignes de Stéphane, le boss. Son mégaphone ne passe pas inaperçu. Il sent qu’il nous galvanise.
Il est temps de nous rendre sur la ligne de départ. L’excitation monte doucement. A aucun moment je ne regrette d’être ici. Pour nous faire remarquer, nous partons groupés (80 coureurs quand même) avec des ballons rouges et bleus, que nous offrons aux enfants (sourires assurés) le long du chemin.
Un peu avant 12h nous sommes dans le sas, le noir, celui dont le temps est de 1h05 et plus pour parcourir les 10km. Après un échauffement festif, mais sérieux, on fait monter l’ambiance, on tape dans les mains au rythme de la sono. Etrangement je suis calme, pas de stress, pas d’excitation, juste le plaisir d’être là, l’envie de prendre le temps de tout enregistrer pour ne rien oublier.
Je vois l’arche de la ligne de départ. Il est situé devant le Palais de Justice (Les 24 colonnes). La foule est énorme devant moi, mais elle est encore plus impressionnante derrière.
Le départ
Le décompte commence. Top départ. Voilà les premières foulées, courtes, on essaye de se faufiler avec les autres coureurs. Pas évident, il y a beaucoup de monde. Les niveaux sont très différents. Certains marchent même au premier km. Je cherche à contrôler mon rythme. Ne pas partir trop vite. Je suis serein. Je dirai même à l’aise. Je sais ce que j’ai à faire pour aller jusqu’au bout.
On profite des premiers applaudissements le long du parcours de la part d’inconnus pour nous motiver. Des bénévoles encouragent par leur prénom les coureurs (marqué sur le dossard pour certains). Plus loin, nous entendons les rythmes entraînants d’une batucada. Des étudiants équipés de bérets et de verre(s) de bière à la main poussent les coureurs à se dépasser. Ils sont en forme !
Le soleil est là. Il fait chaud. Le flux des coureurs s’étale le long des quais. En tournant la tête on voit sur l’autre rive les précédentes vagues déferlées en direction des dernières km. Pour nous ce n’est que le début.
Sur le côté deux enfants tendent la main pour un check. Je vais vers eux. Leurs sourires sont source d’énergie.
Je veux profiter de ma course, apprécier toutes ces petites choses dont j’ai très souvent entendu parler.
Les premiers kilomètres s’enchaînent. On rejoint le quai opposé. J’ai en tête le parcours, je sais que le ravitaillement est proche. Déjà 5 km. C’est mon premier ravitaillement. J’essaye de ne pas gêner les autres. Je saisis 4 abricots secs et une bouteille d’eau. Vite engloutie, ce n’est pas aisé de courir en levant le coude. Les bennes qui suivent le ravito (jargon de coureurs) débordent de bouteilles. Au moins elles ne sont pas jetées n’importe où. Je dis à madame de ne plus ralentir pour être à ma hauteur, mais de faire la course à son rythme (elle est plus expérimentée que moi). Elle file, je me re-concentre sur ma course.
Plus que 5 kilomètres
Allez j’ai fait la moitié. Je me sens plutôt bien. Je regarde mon rythme. Je suis assez régulier. Ça me rassure. Les jambes ne tirent pas trop. Mon genou tient bon, même pas un prémisse de douleur. Je ne ressens pas trop la dureté du bitume. Mes chaussures font plus que le job. Je sais que je peux le faire. Objectif, ne pas marcher. On revient sur une partie du tracé où l’animation est plus fréquente. Ici un groupe qui joue du Rolling Stones, « Satisfaction » c’est de circonstance. Cette musique est un comme un ravitaillement pour le mental.
Descente sur les berges, changement de point de vue. Les pavés sont un peu glissants. Je fais attention. Et puis quand on descend forcément on remonte. Je me rends compte que les sorties dénivelés avec le club et les séances de fractionnés produisent leurs effets.
Des moments forts
Une chose force le respect,. Ce sont les joelettes. Ce « brancard roulant » permet à une personne en situation de handicap , accompagnée de coureurs-porteurs de faire sa course, d’arborer un dossard, de vivre l’ambiance, de franchir la ligne d’arrivée. Quand on voit ça, on se doit de ne pas lâcher, de ne pas se plaindre. Juste d’apprécier d’être là.
Il y aussi sur le Pont de la Guillotière, ces cris d’encouragements. Je regarde sur ma droite. Une dame d’un âge respectable court, un maillot floqué « Courir pour les Ulis ». Autour d’elle de jeunes enfants, même maillot sur le dos, courent dans ses pas, l’encouragent. « Allez mamie ! » (c’est ce que je crois comprendre dans le brouhaha de la course). Ils font leur effet. Les spectateurs, mais aussi les coureurs les encouragent. Le sourire est sur tous les visages. On perçoit leur fierté.
La ligne d’arrivée se rapproche
Les kilomètres s’enchaînent, l’arrivée approche, les drapeaux l’indiquent, ‘dernier km donnez tout »
Facile à lire, plus dur à faire. La foule est plus proche. L’espace plus réduit. Les marcheurs ralentissent le rythme. J’échappe à deux croche pattes. Ouf ! Une chute devant tout le monde, et me retrouver en boucle sur TIKTOK… sans façon, je garde l’équilibre.
Les derniers hectomètres. La foule est dense. Elle hurle ses encouragements. C’est impressionnant. Voilà je le sais, je vais boucler ma première course, mon premier 10km. J’avais cet objectif ! Le défi est arrivé plus tôt que prévu, mais voilà je touche au but. C’est grisant. Je veux accélérer, mais le trafic est chargé. Finalement, je parviens à me faufiler. Je sais que je peux accélérer, que je dois accélérer. Le corps donne les premiers signes de fatigue, ça tire un peu.
Dernier défi, finir en sprint en mettant le nez rouge. Et oui, je n’oublie pas pour qui je cours.
Je file. Les jambes obéissent à l’ordre transmis par mon cerveau. Plus de tension plus de douleur, juste du plaisir, celui d’avoir réussi ce qui, quelques mois plus tôt, était mon Everest.
Je sens que j’ai vraiment beaucoup donné. C’est dur, mais je franchi la ligne. 1heure 06 minutes et 37 secondes. Je l’ai fais. Je viens de finir les 10km du Run In Lyon 2023.
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