Aujourd’hui on vous parle d’un livre, et pas des moindres puisqu’il s’agit du très long mais non moins très bon La maison dans laquelle de l’autrice arménienne Mariam Petrosyan.
On ne va pas vous mentir, il est (très très ?) compliqué de mettre des mots sur cette lecture. On pourrait vous dire que Petrosyan repousse les limites de la narration, vous expliquer la manière dont notre cerveau a pris plaisir, peu à peu, à imbriquer les pièces d’un gigantesque puzzle dont on savait pertinemment dès le début qu’il resterait toujours incomplet, vous décortiquer l’ouvrage pour en comprendre le sens profond. Mais l’a-t-on véritablement compris ce sens profond ? Et puis j’en ai une autre de question : Où est-ce qu’on va avec cette chronique sans queue ni tête ? Vous savez vous ? Parce que moi je n’en sais fichtrement rien.
J’ai envie de vous parler de ce livre mais je n’ai pas envie de trop en dévoiler. C’est ce qui fait le sel de ce genre de bouquins. Ce qu’il faudrait, c’est un résumé simple, en une ligne limite, qui laisse entendre toutes les richesses que peut receler un aussi gros livre, portant sur quelque chose d’aussi simple que le quotidien d’un groupe d’enfants. Et malgré ses 1000 et quelques pages, laissez-nous vous dire que cette histoire est loin d’être diluée. C’est dense, très dense même. Mais à condition d’être dans le bon état d’esprit, d’avoir le temps et la concentration nécessaire, ce livre vous fera traverser des mondes vers lesquels vous ne pensiez même pas avoir la clef. Enfin, pour celles et ceux qui n’en peuvent plus de lire mes élucubrations sens dessus dessous, un résumé de l’éditeur français :
Dans la Maison, vous allez perdre vos repères, votre nom et votre vie d’avant. Dans la Maison, vous vous ferez des amis, vous vous ferez des ennemis. Dans la Maison, vous mènerez des combats, vous perdrez des guerres. Dans la Maison, vous connaîtrez l’amour, vous connaîtrez la peur, vous découvrirez des endroits dont vous ne soupçonniez pas l’existence, et même quand vous serez seul, ça ne sera jamais vraiment le cas. Dans la Maison, aucun mur ne peut vous arrêter, le temps ne s’écoule pas toujours comme il le devrait, et la Loi y est impitoyable. Dans la Maison, vous atteindrez vos dix-huit ans transformé à jamais et effrayé à l’idée de devoir la quitter.
Les cinquante premières pages passées, on a tout de suite senti que les personnages de Mariam Petrosyan allaient nous accompagner longtemps. Certains on rapidement acquit notre affection, d’autres étaient nimbés de mystères et le seront restés jusqu’au bout. Ces personnages évoluent dans un lieu clos, une maison mystérieuse où les enfants sont rois et font société à leur façon. Ils y ont leurs us et coutumes qu’ils ne savent pas toujours s’expliquer, il y circule des histoires étranges dont on ne parvient pas toujours à savoir si elles relèvent de la légende ou de l’histoire vraie.
Enfin il nous semble qu’il est plus simple de parler de ce livre comme en creux, nous nous y attelons. Ce livre n’est pas une épopée, bien que ses personnages aient tout de l’équipée sauvage. Ce livre n’est pas un livre fantastique bien qu’il recèle une part d’inexpliqué. Ce livre n’est pas qu’une quête initiatique bien qu’il nous raconte indéniablement le passage de l’enfance à l’adolescence d’un groupe de gosses. Habité par une bizarrerie difficile à expliciter, La maison dans laquelle est, à l’image de ce titre comme une phrase en suspend, tout ce que l’on pourrait en attendre et plus encore que tout ce que vous pourriez imaginer.
Car La maison dans laquelle est de la matière dont sont faits les chefs-d’œuvre. Insaisissables, labyrinthiques, ces livres nous engloutissent et nous recrachent 1000 pages plus loin, lessivées. Lessivées par tout ce que l’on a compris, et par tout ce que l’on ignore encore. Un mélange entre l’envie immédiate de tout relire depuis le début à peine le livre fermé, l’envie de tout comprendre et en même temps, celle de laisser à cette histoire la part de mystère qui nous a fascinées.
« La Maison exige une forme d’attachement mêlé d’inquiétude. Du mystère. Du respect et de la vénération. Elle accueille ou elle rejette, gratifie ou dépouille, inspire aussi bien des contes que des cauchemars, tue, fait vieillir, donne des ailes… C’est une divinité puissante et capricieuse, et s’il y a bien quelque chose qu’elle n’aime pas, c’est qu’on cherche à la simplifier avec des mots. »
La maison dans laquelle, Mariam Petrosyan, Monsieur Toussaint Louverture, 2020, p. 693.
Jusqu’au jour où nous repasserons par le pas de sa porte, c’est La maison dans laquelle qui continuera de nous habiter.
éé