Attaquer la terre et le soleil offre une lecture éprouvante mais salutaire, éprouvante car elle n'épargne aucunement les actes abjects de la conquête de l'Algérie, salutaire parce qu'elle informe in vivo de cette invasion, du point de vue des colons, du point de vue des militaires français. Avec un style incisif, cru, personnel, Mathieu Belezi décrit avec franchise, avec rage, l'espoir des personnes à qui on a vendu la terre promise et le rêve de terres fertiles, l'espoir de soldats à qui on a vendu un combat facile face des hordes locales dociles et soumises, une vie sans danger, des orgies en guise de récompenses et d'humiliation... au final, une vie constamment faite de dangers de mort, sécheresse, maladies, attentats, morts, une vie qui pousse chaque être à perdre de plus en plus son humanité, à s'enfoncer dans le pire, dans l'enfer sur Terre.
Attaquer la terre et le soleil est un roman à la gouaille d'époque, à la plume familière, authentique. Mathieu Belezi alterne les témoignages d'une colon et d'un soldat, deux voix françaises en terre étrangère. Le texte comporte beaucoup de dialogues, des récits collectifs où le "nous" est d'usage, où le "nous" est incarné. Mathieu Belezi compose un récit historique dans Attaquer la terre et le soleil. Par son interprétation personnelle, il transmet l'horreur de ce conflit armé, de ce conflit de populations pour une terre, de ce conflit où tous ont perdu.Je suis ressortie de cette lecture perturbée par l'âpreté des faits, déboussolée d'y lire des scènes d'une violence inouïe, des scènes répétées. Je ne peux même pas dire si j'ai aimé cette œuvre : je reconnais sa qualité littéraire, sa capacité à m'immerger dans une atmosphère de sang, de larmes, de peur, de haine, de violence (je me répète). Une lecture qui ne s'oublie pas, montrant l'agression française sous différents angles (appropriation des terres, des terrains, des biens, des corps), la peur et les représailles constantes. Du lourd, du très très lourd.
Éditions Le TripodeLivre Inter 2023
autres avis : Alex, Luociné, Athalie, Tant qu'il y aura des livres,