Buchet-Chastel – août 2023 – 304 pages
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« Peu importe qui vous êtes. Peu importe votre classe sociale. Peu importe votre profession. Être une femme est dangereux. »
Au Brésil, une jeune avocate originaire de São Paulo se rend dans l’État de l’Acre, à Cruzeiro do Sul, une région partiellement couverte par la forêt amazonienne. Elle a été missionnée pour suivre le procès des assassins d’une jeune indigène. Treize autres procès auront lieu – que des féminicides.
Dans l’avion qui l’emmène à destination, les noms de toutes ces femmes tuées par leur mari/frère/père/amant/cousin/oncle défilent sur l’ordinateur de la jeune femme. Et dans son esprit, c’est la gifle qu’elle a reçue de son petit-ami, Amir, qui tourne en boucle. Cette gifle qui réveille en elle le souvenir de sa mère, enfoui au plus profond d’elle. Sa mère qui fut tuée par son père. « Comme si la digue qui retenait ce manque violent que j’éprouvais de ma mère avait rompu. La gifle, d’une certaine façon, nous avait reconnectées. » Cette gifle sans laquelle elle ne serait pas allée dans l’Acre.
À Cruzeiro do Sul, elle se lie d’amitié avec l’avocate de la jeune indigène et rencontre Marcos, le fils du patron de l’hôtel où elle loge. Ils deviennent vite amis. C’est lui qui va l’initier aux rituels ancestraux des peuples indigènes d’Amazonie, lui faire découvrir le village des Ch’aska, la jungle et ses murmures, ses danses. Elle goûte à l’ayahuasca et se laisse envahir par des rêves et des visions.
Le récit dégage une aura singulière, il est entrecoupé d’énoncés de féminicides, qui nous glacent le sang. « Dix mille cas de féminicides dans les tribunaux, non résolus. » Il est entrecoupé également des visions puissantes qu’a la jeune femme lorsqu’elle boit l’ayahuasca.
Celles qu’on tue est un roman écoféministe percutant, qui m’a émue autant qu’il m’a secouée et révoltée – j’ai aimé sa langue poétique et le soupçon de thriller distillé tout du long.