Ces huit textes s’apparentent à des enquêtes policières mais d’un genre très particulier, difficile à imaginer si on ne les a pas lus. M. Pond, fonctionnaire du gouvernement, « simple et de bon goût, sinon une barbe d’apparence non seulement désuète mais vaguement étrangère, française peut-être… », a une très vague ressemblance avec Hercule Poirot dans le sens où c’est un petit bonhomme assez anodin qui se sert de ses petites cellules grises pour résoudre des meurtres, des objets volés ou des plans de guerre secrets dérobés. Mais là où Poirot raisonne avec une parfaite logique, M. Pond lui, balance un paradoxe quelconque (il en a plein ses poches !) qui laisse interloqué son entourage avant de dérouler le récit de l’affaire et son épilogue.
Toutes les nouvelles sont construites de la même manière, M. Pond est avec ses amis, le vieux Sir Hubert Wotton, « diplomate à l’ancienne mode » et le capitaine Gahagan, un Irlandais assez coureur de jupons. Ils discutent de choses et d’autres, Pond lâche un paradoxe et les autres attendent qu’il leur raconte l’histoire illustrant cette apparente ineptie qui s’avèrera très juste : « J’ai connu deux hommes qui parvinrent à un tel accord que l’un d’eux en vint bien sûr à tuer le second… » [Quand les docteurs se trouvent d’accord] ; ou bien « Un homme dit toujours exactement le fond de sa pensée, surtout quand il le cache » [L’Homme innommable].
Les huit textes sont indépendants les uns des autres mais avec néanmoins une continuité certaine, mêmes trois acteurs principaux et une évolution progressive pour le capitaine Gahagan, qui se fiance dans une nouvelle et sera marié dans une autre.
Un bouquin pas mal, teinté d’humour « intellectuel » discret et permanent, très déroutant dans l’obtention de résultats par M. Pond car souvent assez abracadabrants quand même. Original.
« - Ce qu’il y a de plus trompeur avec une ombre, c’est qu’elle peut se révéler extrêmement précise. – Eh bien, ça alors ! explosa Wotton. Son exaspération contenue fut néanmoins éclipsée par l’un des mouvements intempestifs qui soulevaient parfois le gigantesque Gahagan. Il se manifestait alors par des gestes irrépressibles, mais assez déconcertants, par des interventions qui pour se vouloir détachées n’en étaient pas moins provocantes. Se tournant vers son accusateur avec un salut de politesse d’une courtoisie arrogante, il lâcha : - Il n’y a pas lieu de vous inquiéter, monsieur. Voici l’un des paradoxes de M. Pond. Nous sommes très fiers de notre Pond et de ses paradoxes. Essayez-en un dans votre bain. Les paradoxes de Pond égaient chaque foyer. » [Le Troubadour terrible]