Oiseaux de passage

Oiseaux de passage

" Oiseaux de passage "

ARAMBURU Fernando

" Je ne vais pas durer longtemps. Un an. Pourquoi un an ? Aucune idée. Mais c'est ma dernière limite... " Voilà donc pour l'avertissement initial : le narrateur, Toni, lorsqu'il rédige les premières pages de son journal prend le soin de préciser à son lecteur qu'il s'accorde un an. Un an de survie. " La vie ne me plaît pas. Si belle qu'elle soit, selon certains chanteurs et certains poètes, elle ne me plaît pas. Qu'on ne vienne pas me chanter les beautés des couchers de soleil, de la musique ou des rayures du tigre. Tous ces décors, aux chiottes ! Je trouve que la vie est une invention perverse, mal conçue et encore plus mal réalisée... "

Et donc, durant toute une année, au jour le jour, Toni va consigner dans cette sorte de journal des souvenirs, ceux de l'immédiateté comme ceux de ce qui fut sa vie, des réflexions, des portraits, un fatras sous forme de puzzle dont le Lecteur est parvenu, bien aidé en cela par le Romancier, à relier la plupart des fils. C'est ainsi qu'il se familiarisa avec Gregorio, le papa, contempteur du franquisme, aux affinités bolcheviques. Avec sa maman, laquelle redue au veuvage s'éprit d'Hector Martinez, un paisible et richissime septuagénaire, que Toni et Raul (le frère de Toni) s'empressèrent de récuser. Avec Amalia, son ex-épouse et mère de Nikita, leur commun rejeton. Avec Pattarsouille, son meilleur ami. Avec Agueda, leur amie commune et Toni (!) son énorme chien pataud. Avec Pepa, le chien de Toni, le narrateur. Autant de personnages (ainsi que quelques autres) qui se croisent ou ne se croisent pas, qui s'aiment ou se détestent, qui ont réussi ou raté leur existence.

Un étrange et parfois surprenant tableau d'une certaine société espagnole, celle que l'on classe parmi les couches moyennes. Amusant, parce que souvent drôle. Passionnant. Rarement ennuyeux. Un roman foisonnant délivré par un Ecrivain que le vieux Lecteur a rencontré pour la première fois. Une rencontre bien plus qu'agréable ! D'autant plus agréable que le narrateur enseigne la philosophie à une jeunesse espagnole trop souvent déboussolée.

" Je jurerais que la vie a commencé à me plaire depuis que je sais que j'ai en main le levier qui y mettra fin. Pour cette seule raison, j'ai cessé de connaître des moments inconsistants. Tout acte que je commets désormais a le parfum stimulant d'un adieu. Soudain, tout prend un sens (oui, Pattarsouille ; oui, Camus), puisque tout survient par rapport à un point exact de référence. Et c'est maintenant, oui, maintenant, que je juge vraiment que la vie (les sept mois qui me restent) méritent d'être vécues... "