Les voleurs d’innocence de Sarai Walker
Par Caroline
@Lounapil
Publié aux éditions Gallmeister, 2023, 624 pages. Il était une fois dans les années 1950 six jeunes filles aux doux prénoms de fleurs - Aster, Rosalind, Calla, Daphne, Iris et Hazel - qui vivaient avec leurs parents dans l'opulence d'une grande bâtisse victorienne. Mais ceci n'est pas un conte de fée : c'est l'histoire de la malédiction des sœurs Chapel. Tout commence pourtant bien : par une noce. Mais à peine est-elle mariée, que la sœur aînée meurt mystérieusement, laissant sa famille en état de choc. Puis la deuxième connaît le même sort. Quel malheur pèse sur les Chapel ? Belinda, la mère à l'esprit torturé, hantée par les fantômes, semble pouvoir prédire leur funeste destin. Mais peut-on se fier à ce qui sort de son cerveau embrumé ? Quant à Iris, la cadette, elle est bien décidée à survivre. Quitte à devoir faire un bien sombre choix. Voilà un roman dont j'ai retardé de lire la fin tellement j'y étais bien. Coup de cœur pour moi, il me reste encore en tête tant il a soulevé de questions, fait écho en moi. Dans les années 50, les filles Chapel sont belles, unies. Elles vivent toutes sous le même toit. Leur père a fait fortune dans les armes. Leur mère Belinda est considérée comme originale si ce n'est folle. Dans leur gynécée, les filles peignent, lisent, écrivent de la poésie, protégées, loin du monde. Quand Aster, l'aînée se marie, c'est la fin d'un monde. Elle meurt le lendemain de sa nuit de noces. Il en va de même pour les autres filles qui décident de se marier. Quelle malédiction pèse sur la famille? Roman gothique, romantique et sociétale, Les voleurs d'innocence nous fait vivre cette tragédie familiale du point de vue d'Iris, la seule a avoir survécu. Il y a un petit côté Rebecca de Daphné du Maurier dans ce livre où toutes ces filles évoluent dans une grande demeure qui paraît hantée. Au-delà de cette histoire de malédiction, l'autrice explore la psyché féminine et ses tabous, à l'époque: le mariage et sa nuit de noces, les règles, le viol conjugal, l'homosexualité, " l'hystérie " féminine. C'est un roman fort et puissant que nous offre Sarai Walker. Toutes ces filles, au nom de fleur, pâtissent du patriarcat. Point de salut hors du mariage et des enfants. Une fille devient une épouse et une mère ou alors elle est vieille fille. Il y a tant à dire sur ce livre, tant de thématiques riches et intéressantes. Mon avis peine à rendre justice à la plume de l'autrice. J'ai aimé suivre Iris dans cette famille puis dans celle qu'elle se créé par la suite. J'ai aimé ses réflexions, ses doutes, ses angoisses. Ce roman restera gravé dans ma mémoire pendant longtemps. J'ai refermé le livre avec regrets, si triste de quitter Iris...