Je remercie les Editions HC pour ce partenariat.
Paul Colize
Un mot de l'auteur
Paul Colize est né en 1953 à Bruxelles, d’un père belge et d’une mère polonaise. Ses polars, à l’écriture aiguisée et au rythme singulier, sont toujours ancrés dans le réel et flirtent habilement avec la littérature générale.
Son œuvre a été récompensée par de nombreuses distinctions littéraires dont le prix Landerneau, le prix Polar pourpres, le prix Arsène Lupin, le prix Plume de Cristal, le prix Sang d’Encre des lecteurs, le prix Michel Lebrun et le prix des lecteurs du festival de Villeneuve-lez-Avignon.
Présentation de l'éditeur
" Le 8 août 1956 restera dans nos mémoires comme un jour qui a marqué l'histoire de notre pays d'une de ses pages les plus tragiques. "Lorsqu'elle déjeune avec le grand patron du Soir, Katarzyna ne s'attend pas à être envoyée sur le procès de Marcinelle. En 1958, être une femme journaliste est déjà peu habituel, mais couvrir l'affaire dont tout le monde parle est absolument extraordinaire. Deux ans auparavant, l'explosion au fond de la mine de Bois du Cazier a fait plus de 250 morts ; et c'est au cœur de cette catastrophe que deux mineurs italiens auraient assassiné leur supérieur tyrannique. Une occasion rêvée pour la jeune femme de prouver son talent de reporter. Or, si elle a un lien très personnel avec cette histoire tragique, Katarzyna comprend vite qu'on ne l'a pas envoyée là par hasard...
Ma chronique :
La catastrophe du Bois du Cazier en Belgique a eu lieu le 8 avril 1956, c'est une des catastrophes minières les plus meurtrières, 262 mineurs périssent asphyxiés seuls treize mineurs survivent. L'auteur a choisi ce drame qui a réellement existé pour construire une fiction passionnante. Le procès de Marcinelle débutera deux ans plus tard. Deux mineurs italiens rescapés sont accusés d'avoir tué leur contremaître, profitant du drame pour commettre l'irréparable.
Entre en scène le personnage de Katarzyna, une jeune femme qui débute dans le journalisme, elle porte en elle un terrible secret, féministe avant l'heure. Elle couvre l’événement, c'est à travers son regard que nous allons suivre le procès. Le procès va mettre en lumière les conditions de travail extrêmement dangereuses des mineurs, à fortiori des mineurs venus de l'étranger. Le racisme, les humiliations, les retenus sur salaire, le manque de sécurité étaient quotidiens. L'action se déroule le plus souvent dans un prétoire et aurait pu prendre la forme d'une pièce de théâtre. Les plaidoiries sont bien menées et on a vraiment l'impression d'être sur les bancs du public. J'ai beaucoup aimé « l'utilisation» du dessinateur judiciaire pendant le procès pour donner au lecteur une vision animalière et caricaturale des différents intervenants. L'auteur a su créer une ambiance immersive, ses protagonistes sont bien développés on entend même l'accent italien des accusés. Au-delà du drame en lui-même, les thèmes abordés sont profonds avec une grande connaissance de la psychologie humaine et des questions sociales ou morales. Le procès que l'on aurait pu croire joué d'avance va se révéler bien plus complexe et nous réserver quelques surprises, la manifestation de la vérité est à ce prix. Un excellent roman à découvrir pour se replonger dans une autre époque entre Germinal et Douze hommes en colère. Bonne lecture.
Citations :
— Dans cette salle de tribunal, le juge est un homme, les assesseurs sont des hommes, le procureur est un homme et l’avocat de votre mari aussi.
— Je sais.
— Ce n’est pas tout. Les douze jurés sont des hommes, les spectateurs sont majoritairement des hommes et les témoins qui ont été entendus sont tous des hommes.
Renata parut intriguée.
— Et alors ?
Katarzyna fit une courte pause avant de poursuivre.
— Moi, Renata, je suis une femme. Je vois, j’entends et je sens les choses autrement. Je ne crois pas ce policier. Ce qu’il a dit m’a heurtée. Je pense qu’il s’est passé quelque chose, autre chose, ou que tout n’a pas été dit, mais je ne sais pas quoi.
— « Avant de savoir, on ne sait pas. »
Il dévisagea un à un les membres du jury, à l’affût d’un assentiment tacite. Quelques-uns approuvèrent de la tête.
Elle nota qu’il savait conquérir un auditoire, à l’instar du procureur.
— Et quand les hommes ne savent pas, que font-ils ?
Il marqua une courte pause, comme s’il s’attendait à recevoir une réponse, puis embraya en haussant les épaules.
— Les plus sages avouent leur ignorance. Quelques téméraires avancent des hypothèses avec les réserves qui s’imposent. Je vous le concède. Mais que fait le plus grand nombre ?
Il se tourna vers le public et monta le ton.
— Ils supputent, mesdames et messieurs.