Ceci n’est pas un roman. Mais deux !
Mars 2016, La Havane a la fièvre, Barack Obama vient en visite sur l’île, suivi de près par les Rolling Stones pour un concert mémorable en plein air qui réunira un million de spectateurs. La police sur les dents et débordée fait appel à Mario Conde pour résoudre une enquête sur le meurtre d’un vieil homme, autrefois il y a quarante ans haut fonctionnaire de la Culture, un terrible inquisiteur qui ruina de nombreux artistes, au propre comme au figuré. Crime sordide, la victime a été mutilée et sodomisée, des tableaux ont été volés, l’affaire s’annonce complexe, tout le monde le haïssait.
Mario Conde, désormais retraité, s’est converti en libraire pour arrondir sa modeste pension et toujours titillé par le désir d’écrire un roman vient d’en trouver le sujet en consultant de vieux documents d’époque : Dans les premières années du XXème siècle, tandis que l’île tremble à l’idée que la comète de Halley ne s’y écrase, un jeune flic devient contre son gré l’ami d’un puissant proxénète, le classieux Alberto Yarini ayant des visées politiques tandis qu’une guerre de territoire s’ouvre avec ses concurrents.
Nous avons donc deux romans pour deux histoires alternant les chapitres et qui s’en plaindrait car Leonardo Padura vient très certainement d’écrire ici son meilleur bouquin de la série. Si je n’ai pas lu tous les volumes précédents, j’en sais assez pour constater que ces Ouragans tropicaux ne manquent pas de souffle, au contraire : la densité du texte et l’envergure du propos, historique et social en font un excellent roman dont il faudrait dire mille choses et relever les métaphores.
Deux époques de Cuba à un siècle d’intervalle, deux moments bouillonnants tels deux ouragans ; deux périodes différentes certes mais où les puissants font injure aux plus pauvres ; deux héros très distincts mais si proches, un jeune flic à peine titularisé, plein de convictions sur l’honnêteté mais qui les abandonnera à son insu, subjugué par le charisme de Yarini « l’hyperbole macabre d’une condition sociale malade et d’une exigence morale en crise profonde », et un vieil ex-flic qui en a tant vu, où tous deux mettront la loi de côté le temps de rendre justice. Mais y-a-t-il des crimes justes ?
Un polar comme on les aime, de ceux qui derrière l’intrigue proprement dite dressent un portrait saisissant d’une époque, d’une société, où la dictature politique révolutionnaire a été remplacée par celle de l’argent. Et en prime ou en guest star, Napoléon Bonaparte qui s’invite dans l’histoire !
Magnifique.