Consultant la liste des nouveautés littéraires, quelle ne fut pas ma surprise en tombant sur ce bouquin, quelqu’un avait écrit un roman sur MA gare ! Car je considère cette gare comme ma propriété. J’avais dix ans quand j’ai quitté Paris ma ville natale et depuis cette date remontant au milieu du siècle dernier, malgré plusieurs déménagements, j’ai toujours habité le Grand Ouest parisien, donc toujours desservi par la gare Saint-Lazare, mon cordon ombilical avec la capitale, autant vous dire que je connais le quartier ! J’ai néanmoins été rassuré en constatant que c’était Dominique Fabre qui en était l’auteur, un précédent roman, Mon Quartier, attestait de sa connaissance des lieux.
Alors je l’ai suivi comme son ombre dans ses déambulations à travers la gare ou dans les rues avoisinantes, à ses souvenirs personnels répondaient les miens propres, parfois ils se confondaient quand nous avions vécu les mêmes expériences ou moments.
L’écrivain mêle la visite géographique des lieux, la gare, le quartier, et sa vie d’enfant jusqu’à celle de jeune homme. Un coin de ville où sa mère très présente est un fil rouge pour son récit. Une mère célibataire avec deux enfants, l’écrivain et sa sœur, une petite vie pas bien riche, elle est comptable toujours en recherche d’un job. Parfois un amant pour vivre un peu quand le gamin est à l’internat… Le narrateur grandit, il traine souvent dans la gare avec son pote le Crobard qui passe son temps à dessiner… des rencontres au milieu de cette foule qui court vers son train ou à l’opposé vers son métro, là un arnaqueur, et puis cette petite jeune fille qui vend des lithographies à la sauvette dont il tombe amoureux, bohème et junkie, un jour elle disparait comme elle était apparue… « Elle est dans mon cœur pour toujours », souvenir étroitement lié à cette gare.
Tout le roman baigne dans une douce mélancolie, parce que l’auteur n’a pas le caractère d’un mariole (« Toute ma vie je serai peut-être bon à rien, juste un peu spécialisé dans la gare Saint-Lazare ») et surtout parce que ses souvenirs lui montrent le temps passe, les choses évoluent, la gare d’aujourd’hui n’est plus celle qu’elle était alors, ça se modernise, des commerces ont disparu, d’autres sont arrivés. Et puis sa mère, toujours sa mère, descendant du train dans cette gare pour aller travailler, ou bien lui pour aller la voir à son bureau ; décédée aujourd’hui, un autre souvenir à jamais gravé dans son cœur, « Tu es encore aussi la personne qui attend quai B à Asnières le train vers la gare Saint-Lazare et sort du côté de la rue de Rome, où j’aimerais encore que tu sois, dans une autre vie. »
Vous ne connaissez pas cette gare, ni ce quartier ? Qu’importe, c’est un beau et charmant voyage à faire avec ce roman. Prenez votre ticket !
« Ils ont fermé la pharmacie Bailly, celle qui fait l’angle en bas de la rue de Rome, près de la gare Saint-Lazare. Je me suis rapproché comme un ahuri, j’ai regardé autour de moi, elle avait disparu. Ah oui, mais non, là-bas ! En fait ils l’ont seulement changée d’endroit, ils l’ont installée de l’autre côté de la cour de Rome, sous les arcades, près du grand PMU où les tickets que j’achète ne sont jamais gagnants. Mais je l’avais vue là, en bas de la rue de Rome, toute ma vie. »