Etats-Unis, Minneapolis. Libérée après dix ans de prison, Tookie, la narratrice, ojibwée d’une quarantaine d’années, est embauchée dans une librairie indépendante tenue par Louise (!!) et spécialisée dans les ouvrages autochtones. Un jour, Flora, une cliente régulière du magasin décède, semble-t-il tandis qu’elle lisait les mémoires d’une indienne captive d’une mère maquerelle au XIXème siècle, et son esprit vient hanter la boutique, visant plus particulièrement Tookie. Pourquoi ? Et comment se débarrasser de cette présence embarrassante ?...
Sans être génial, voici un bon roman extrêmement agréable à lire.
Vous connaissez le fil rouge du roman, s’y grefferont l’épidémie naissante du Covid dont on ne sait rien encore, ni ce qu’il faut faire (« - Que faire ? – Le contraire de ce que fait Orangino »), puis les émeutes après le meurtre de George Floyd tué par un policier, décors d’ambiance de l’intrigue.
Louise Erdrich marie les contrastes avec bonheur, après un premier chapitre désopilant lié à l’arrestation de Tookie pour avoir transporté un cadavre, les sentiments du lecteur passeront du sourire, le plus souvent, à l’émotion la plus poignante quand par exemple, Pollux, mari de Tookie sera atteint du Covid, ou encore par l’intrigant mystère de ce fantôme. Les morts d’hier, peuples autochtones, s’allient à ceux d’aujourd’hui, victimes des violences policières à répétition, en une litanie tristement connue faite de racisme et d’éradication de la culture Amérindienne.
Rassurez-vous, le plus souvent le texte est moins morose, que ce soit à travers les rituels tribaux, la nourriture très présente dans ce roman, et surtout parce que ce livre est un hommage puissant à la littérature et aux livres où une ribambelle d’ouvrages de qualité sont conseillés (voir appendice en fin du livre) et font envie… Il y a aussi beaucoup d’amour.
Et puis n’oublions pas l’écriture de Louise Erdrich, très alerte et facile à lire, ses personnages carrément inoubliables (du sage aux « originaux »)
« Flora est décédée le 2 novembre, le jour de la fête des Morts, quand l’étoffe qui sépare les mondes est fine comme du papier de soie et se déchire facilement. Depuis, elle vient tous les matins. La mort d’une fidèle cliente est perturbante en soi, mais l’obstination avec laquelle Flora refusait de disparaître a commencé à m’agacer. Ca n’y changeait rien. Elle était décidée à hanter le magasin. L’ardente lectrice qu’elle avait été collectionnait les livres avec passion. Nous sommes spécialisés dans les ouvrages autochtones, bien sûr, son principal centre d’intérêt. Mais voilà ce qui m’exaspérait : Flora était une sangsue – de toutes choses amérindiennes. Sangsue était peut-être un mot trop dur. Disons plutôt que c’était une indécrottable wannabe. »
Traduit de l’américain par Sarah Gurcel