Alice Renard – La Colère et l’Envie ***

Alice Renard – La Colère et l’Envie ***

Éditions Héloïse d’Ormesson – août 2023 – 158 pages

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Au centre de ce singulier roman, Isor, une enfant différente. Une enfant qui n’a jamais voulu rien apprendre, n’a jamais rien fait comme les autres. Une enfant mutique et absorbée par un monde inatteignable. Qui passe des heures à crier, qui entre dans des rages effroyables, qui éclate de rire devant les programmes de chaînes télévisées japonaises, qui semble si sérieuse. Quand elle danse, son corps semble enfin s’exprimer. Exprimer tout ce qu’elle ne dit pas. À dix ans, elle se met à sortir, pour marcher, seule. Explorer la ville. Même la nuit. Pour s’évader de ce cercle, ce huis clos que ses parents ont créé. Évacuer sa douleur muette, son chagrin qui l’habite.

Isor est une enfant que ses parents tentent de comprendre, en vain – qui est cette étrangère ?

À treize ans, Isor rencontre son voisin de palier, Lucien. Un vieil homme dont la vie réglée comme du papier à musique se retrouve chamboulée à tout jamais. Entre eux, une amitié naît. Une amitié (un amour?) qui bouleverse le vieil homme. Isor vient chez lui tous les jours ; tous les jours, il l’attend. L’un a le sentiment de retrouver une place quand l’autre se sent enfin exister. « Lucien, il m’a donné le monde. » Et puis un jour, c’est l’accident. Isor part, très loin.

La Colère et l’Envie est un roman dont la construction narrative originale m’a déroutée ; une première partie où les pensées des parents alternent, souvent dissonantes. Une deuxième partie centrée sur la rencontre avec Lucien. Et ce n’est qu’à la toute fin du roman qu’enfin Isor se révèle, que nous découvrons sa voix.

J’ai aimé l’infinie poésie de ce roman, la langue ciselée. C’est un roman empreint de colère, pure, inouïe. La voix d’Isor m’a bouleversée – sa maladresse, son imperfection et sa sagesse. « Je mets la tête sur les genoux d’Ani et j’attends que la vie vienne nous aimer. » J’ai cependant eu beaucoup de mal avec le père, ce personnage détestable qui a des propos si violents envers sa fille. Et la relation qui unit Lucien à Isor : impossible de savoir ce qu’il en est vraiment et qu’en penser… amour platonique, amitié foudroyante ?