Maltempo (Alfred – Editions Delcourt)
L’histoire se déroule dans un patelin perdu du sud de l’Italie. A priori, ce décor de rêve ferait saliver n’importe quel touriste du nord de l’Europe, avec ses ruelles pleines de charme et sa vue imprenable sur la mer. Sans oublier le soleil généreux durant la majeure partie de l’année. Mais cela n’empêche pas Mimmo, 15 ans, de n’avoir qu’un seul souhait: quitter au plus vite son village natal. Il faut dire que le travail est plutôt rare dans le coin et que beaucoup d’habitants préfèrent se tourner vers la mafia ou vers l’extrême-droite pour échapper à la misère ou à l’ennui. Du coup, quand une occasion unique de réaliser son rêve se présente de manière complètement inattendue, Mimmo va tout faire pour la saisir. En plein cœur de l’été, il apprend que les présentateurs de « Vieni cantare », la plus célèbre émission de radio-crochet du pays, une sorte de version italienne de la Star Academy ou The Voice, vont organiser un casting dans son village. Même Valeria Guzzoli, la présentatrice vedette de l’émission, sera de la partie. Ni une ni deux, Mimmo décide d’enfourcher son scooter, la guitare dans le dos, pour reconstituer le groupe de rock qu’il forme avec ses amis. Il y a Gennaro, surnommé Mortadelle parce qu’il est le fils de l’épicier, Guido le bassiste à la personnalité un peu spéciale, et Cesare, le chanteur aux yeux bleu acier, un idéaliste qui se désole de voir la nature environnante être remplacée par des hôtels à touristes. Certes, le chantier est à l’arrêt depuis quelques jours en raison d’actes de sabotage, mais il n’empêche, la vue de ces grandes grues lui sape le moral. Heureusement, il y a Alba, la plus belle fille du village, pour lui redonner le sourire… Le groupe, baptisé Maltempo, va-t-il réussir à briller lors du casting? Pas sûr, car Maltempo signifie « mauvais temps » ou « perturbations » en italien.
Voici une BD qui devrait plaire à tous les amoureux d’Italie et de musique rock. Après « Come Prima », prix du meilleur album à Angoulême en 2014 et bientôt adapté au cinéma, puis « Senso », l’auteur français Alfred, qui est lui-même à moitié transalpin, achève en beauté sa trilogie italienne. « Come Prima », « Senso » et « Maltempo » sont trois récits qui peuvent se lire de manière totalement indépendante. Tous trois racontent une Italie un peu fantasmée, à la fois solaire et mélancolique. Pour imaginer ces récits, Alfred s’appuie sur ses souvenirs d’enfance et d’adolescence, sur son amour du cinéma italien des années 50-60-70 et sur son expérience de l’Italie moderne, puisqu’il y a vécu plusieurs années. Comme ses deux prédécesseurs, « Maltempo » est à nouveau un album très réussi. C’est un récit à la fois doux et amer, dans lequel Alfred peaufine ses personnages et ses ambiances avec soin. Grâce aussi aux magnifiques couleurs de Laurence Croix, on a vraiment l’impression de se promener dans les petites ruelles désertes d’un petit village du sud de l’Italie. Mais tout n’est pas rose pour autant: l’Italie d’Alfred n’est pas seulement une Italie de carte postale, c’est aussi un pays où les tracts pour l’extrême droite fleurissent, où les chantiers sont sabotés, et où subsistent le chômage et la misère. Comment résister au charme de cette comédie dramatique lumineuse? Il y a beaucoup de tendresse, d’émotion et d’humour dans ce récit, qui parle des rêves auxquels on s’accroche avec la force du désespoir. En s’intéressant au groupe de rock formé par Mimmo et ses potes, Alfred raconte une histoire universelle, celle des rêves d’ailleurs et de gloire que l’on ressent tous quand on a 15 ans. A noter que l’auteur de « Maltempo », qui est lui-même musicien, a réellement composé et enregistré des chansons pour accompagner cet album. On peut les retrouver sur les principales plateformes de streaming.