Pensiez-vous que les légendes oubliées resteraient enfouies sans jamais refaire surface ?
Ker-Groach est un petit village de pêcheur, à l'orée du monde occidental, entre Douarnenez et Quimper. Située dans une enclave entourée de deux immenses falaises, la petite communauté se trouve directement au bord de la mer celtique. Le calme et l'aspect sauvage de son environnement ne cessent d'attirer une population jeune, sous le regard méfiant des anciens de la région, détenteurs de certains secrets enfouis. Ce fut le cas de la famille Jelleau qui, dans un souci de resserrer les liens entre ses membres et dans un désir de fuir la jungle urbaine, emménage sur les hauteurs de Ker-Groach. Cependant, leur arrivée semble avoir réveillé quelque chose de sombre, enfoui depuis des centaines d'années dans les entrailles du village. Des morts inexpliquées. Des disparitions mystérieuses. Des secrets révélés. Au milieu de tout cela, une Reine oubliée cherche à briser les chaînes de son asservissement.
À la lisière entre l'imaginaire de H. P. Lovecraft, la narration de Stephen King et le suspens d'Edgar Allan Poe, le premier roman de Valentin Decodts mêle conflit familial et horreur mystique dans le cadre mélancolique d'un petit village de Bretagne. "
Je remercie l'auteur pour m'avoir permis de découvrir ce premier tome. Lorsque j'ai vu horreur, avec une histoire qui se passe en Bretagne, je ne pouvais pas passer à côté. Dournenez n'est pas forcément LE coin que je connais le mieux, mais j'ai vécu plus de 20 ans dans ce secteur et ma meilleure amie habite Brest, alors cette partie de la Bretagne, avec ces légendes (car elle en a tellement !) ne me sont pas inconnues. J'avais hâte de découvrir comment l'auteur allait s'approprier cette légende dont je tais le nom ici car rien n'est indiqué dans le résumé. Morts inexpliquées, passé qui se réveille tout était là pour que j'ai un coup de cœur, ou du moins que j'adore ma lecture. Malheureusement je n'ai pas eu l'engouement que j'aurai aimé, mais il y a plein de bonnes choses et je commence toujours par là.
L'horreur ? Il y en a, assurément. Bien entendu cela ne démarre pas du début, il faut lasser la place aux personnages pour montrer leurs caractères, leur façon de vivre, pour mieux les cerner. Et là, paf, nos petits bonhommes et bonnes-femmes ont forts à faire. Nous suivons la famille Jelleau, mariés, trois enfants dont un qui est déjà adulte (19 ans) qui décident de déménager. Maman Louise a besoin de retourner chez elle, car elle est Bretonne et veut absolument ramener sa famille là-bas, et accessoirement loin de sa propre famille qui vit dans l'Est. Déjà avec Louise cela coince. Elle n'est pas née en Bretagne, n'y a vécu qu'un tout petit peu et si elle y va c'est pour... Pour cela, il faudra le lire pour le découvrir. Bref, un personnage qui ment comme elle respire et qui n'hésite pas à tenir sa famille dans une main de fer. Dédoublement de personnalité ? Assurément, cette femme a un caractère fort et se retrouve souvent dans des situations improbables de son fait. Méchante, mauvaise, elle ne frappe pas ses enfants, mais les tiens, comme son mari d'ailleurs, avec des mots et ces derniers font mal. Mettant une ambiance du tonnerre pour ne pas dire glaciale dans la maison qu'ils louent. Si au début Antoine le plus grand vit à Paris et veut réussir sa vie avec sa copine Axelle, il va vite déchanter lorsqu'il ne réussira pas à trouver du travail et reviendra dans cette maison : et je ne pourrais pas dire que c'est celle du bonheur.
Une famille qui devant la porte montre des sourires, mais une fois refermée est dans une prison, en quelque sorte. Chacun des membres va devoir réapprendre à vivre ailleurs, un déménagement ce n'est pas rien. Nouvelle école, collège, lycée, boulot, nouvelle vie, nouveaux amis, nouvelles identités en quelques sorte. Jules, Antoine, Aurore sont tous les trois des enfants qui n'arrivent pas à s'épanouir correctement, en me^me temps vu la mère... Et comme papa n'a pas beaucoup d'emprise, c'est compliquée. La vie de famille idéale ? Il faut l'oublier. Du départ nous avons déjà des ennuis, une histoire sombre qui ne nous dis pas encore de quoi il s'agit. Le lieu choisit pour construire sa nouvelle maison, SA maison, celle de Louise a un passé. Et comme dans chaque village de Bretagne, chaque lieu-dit, chaque contrée, il y a une légende tirée de faits réels. Des faits qui ne sont que des mots, des histoires sur bouts de papiers, des lieux qui peuvent prétendre à raconter tout et n'importe quoi. Une aura semble malfaisante, mais elle provient de la mère, pas vrai ? Quoi que... Il n'y a pas qu'elle qui fait fuir les corbeaux dans le secteur. Un petit village où tout le monde se connait et voir des étrangers arriver ? Je peux vous assurer que l'auteur sait de quoi il parle, ayant vécu et vu des choses similaires, dans le sens où même né dans le village d'à-côté, vous n'êtes pas d'ici... Un comble ! Forcément tout le monde se connait depuis des décennies si ce n'est pas plus, les langues vont bon train et les regards mauvais aussi, alors si par hasard la construction de la maison empiète sur le terrain du voisin, ouh là, vous pouvez vous attendre à avoir une guerre sur les bras. Mais ça, ce n'est rien en comparaison des ennuis qu'ils vont tous subir.
La peur de ne pas plaire, de se retrouver de nouveau sous les feux des projecteurs en tant que victime, de ne pas trouver de travail, de n'être que le second, celui qui est à la moitié du chemin... Chacun des personnages de cette famille a un mal-être qui ne demande qu'à sortir. Et pourtant... Pourtant Axelle est tout de même celle qui a souffert le plus et elle est là, debout, continuant à vivre après les horreurs qu'elle a vu. L'auteur décrypte plutôt bien les sentiments mêlés, les émotions vives, les peurs de chacun. Et puis les réseaux sociaux qui ont également une belle part dans ce sujet. La recherche d'une personne (pour le coup comment Louise ne trouve pas, mais son mari si ?), le fait d'espionner le voisin par ce biais, de chercher quelque chose dans la vie ancienne d'un potentiel allié ou ennemi que l'on voudrait garder plus près ? Les victimes sont plus qu'évoquées, tout comme les multiples cas de harcèlements qui sont devenus monnaie courante et que l'auteur nous montre sans fard, avec la cruauté et les mots vifs d'un enfant (ou ado, peu importe). Ces mêmes actes que les adultes font de manière plus sournois mais tout autant indigestes. Nos enfants ne font que reproduire ce qu'ils voient et cela fait peur pour l'avenir, mais passons. L'auteur ne s'amuse pas à user de métaphores, un chat reste un chat et une tête à plonger dans les toilettes ne portent pas d'autres non et ce n'est pas le pire dans tout cela. Comment avancer pour eux tous avec autant d'épées de Damoclès sur la tête ?
Le début est la mise en place de la famille et je dois admettre que j'ai trouvé un peu long. Nous comprenons très vite la dynamique de cette famille qui n'a pas vraiment son mot à dire lorsque la divine mère est dans les parages. Le voisinage tente une percée de gentillesse, mais les rancœurs sont tenaces et les regards froids ne se quittent plus. Des épreuves débarquent, des mots écrits font mal et l'explosion ne manque pas. Par-dessus cette famille qui est en perdition, la baie de Douarnenez a sa propre histoire, son propre passé et les deux vont se lier d'une manière improbable. Je dois dire que je n'ai pas compris comment les deux événements peuvent se produire, mais cela arrive. C'est bien là, le mal sournois qui rôde dans la forêt, celui qui ne manque pas de détruire ce qui peut permettre de ne pas atteindre son but ultime. L'horreur apparait trop tardivement à mon gout, plus de la moitié du livre et j'ai vraiment trouvé dommage ce fait, tout comme les "explications" qui arrivent vers la fin. Le mélange des deux époques auraient été, à mon sens, plus intéressants si nous avions eut ce fameux Corentin (pardon mon fils de t'avoir appelé également ainsi) du départ sans pour autant donner tous les détails, bien entendu. Cela aurait donné plus de suspense et de frissons. Je pense que de se côté, j'en attendais plus, d'avoir plus de noirceur du départ et pas uniquement avec les pensées de Louise qui au final ne sont pas si terribles que cela. Le mensonge est là, partout autour de cette famille qui va malgré tout essayer de se reconstruire, jusqu'à cette lettre retrouvée. Si avant c'était tendue, dites-vous bien qu'à partir de ce moment, tout bascule encore plus vite.
La fin est inéluctable et prévisible. Impossible de ne pas voir ce qui va se produire à un moment donné. Le but est couru d'avance, mais le chemin pour y parvenir est intéressant et j'ai aimé voir comment l'auteur nous lance des perches, voire des poutres par moment pour nous amener là où il le désire. Il est clair que je ne me suis attachée à personne ! D'une je n'avais pas envie de me faire avoir avec un "Oh celui-là je l'aime bien " et paf, il est mort, forcément je me fais toujours avoir hein. Et de deux, les 3/4, pour ne pas dire les 90% des personnages sont exécrables et je dois vous avouer que j'en ai bien ri ! Même pas la famille d'à côté n'a eu grâce à mes yeux, en même temps vu la façon dont ils dénigrent les nouveaux arrivants, à se demander sils en se connaissaient pas d'avant. Les fameux Prigent qui seraient en quelque sorte les rois du monde, ou plutôt de ce village breton. Et ce n'est absolument pas la petite Lili qui aurait pu m'émouvoir, c'est le type d'adolescente qui rêve d'être reine du bal de promo (qui n'existe pas chez nous) et fera tout en écrasant les autres. Le drame est bien présent, les actes sont nombreux et il est vrai que tout amène à ce que nous avons en point final.
Les chapitres sont courts, je dirais même plus, le livre est découpé en mini-livres qui ont leurs propres chapitres. C'est bien foutu dans le sens où il est facile de s'arrêter sans couper un chapitre en deux. Petits bémols, le livre mériterait d'être relu pour les coquilles (surtout avec le temps des verbes qui n'était pas correct). Je sais que tout le monde fait des fautes, moi la première, mais là, impossible de les rater, j'en suis navrée. Et le second bémol serait de revenir quelques heures, ou jours avant un événement déjà vu et le revoir par un autre personnage. C'est dommage. Par contre j'ai beaucoup aimé le fait d'avoir plusieurs point de vue dans le même chapitre, même si cela est déroutant au début, on se laisse vite avoir. De plus, le "bestiaire" de fin est sympathique et original pour le coup.
En conclusion, un déménagement qui n'aurait jamais dû se produire ! Mêler les légendes Bretonnes qui sont capables de se réveiller pour le pire comme pour les cauchemars avec une réalité déjà sombre ne peut rien apporter de bon en ce monde. Vous pensiez que toutes les légendes étaient mignonnes avec des fées ou des farfadets ? Que nenni ! N'oubliez pas, qu'il existe des Korrigans qui sont de petites créatures vicieuses, mais par-dessus tout, bien d'autres pire que l'Ankou capable de vous faire traverser une rivière sans pont à la nage afin d'échapper à un destin. Ce même destin cruel qui vous tend les bras et que, d'une manière ou d'une autre, vous ne pourrez jamais échapper. Le rêve d'une mère de famille ou le cauchemar de ses enfants ? Qui va gagner ? Le drame familial revu par un auteur qui a une sacrée définition. Une très bonne psychologie déprimante des personnages est bien là ! Il m'a manqué d'avoir l'horreur beaucoup plus tôt, plus de mélange passé-présent afin de mieux comprendre ce qui se produisait et plus de fantastique également pour avoir une lecture plus prenante. Pour un premier livre, l'imagination est déjà là et la suite risque d'être plus intense.
" Il serait allé comme prévu au bord de la falaise et se serait jeté de son sommet pour se perdre dans les abimes de la baie. Seule ombre au tableau, il avait maintenant fait quelque chose d'irréparable. Tout cela n'avait pas d'importance, car elle venait, douce, paisible forme noire ondulante sur le sol, traversant les affres de la forêt interdite de Ker-Groach pour venir à sa rencontre et lui offrir sa récompense. Cependant, plus elle se rapprochait moins elle lui paraissait pacifique. Elle lui semblait même aussi sauvage qu'à leur première rencontre.
Il fut pris de panique. Qu'avait-il donc fait pour s'attirer les foudres de cette entité surnaturelle ? Il n'avait fait qu'obéir au doigt et à l'œil à toutes ses demandes.
La forme, maintenant terrifiante, n'était plus qu'à quelques mètres de lui. "