Le Mâle du siècle

Par Henri-Charles Dahlem @hcdahlem

En deux mots
Après des vacances au Nicaragua qui ont tourné au fiasco, Rémy et Charlotte vont tenter de sauver leur couple en consultant une psy. Mais la thérapie de couple n’est guère plus efficace que l’agence «Love Inclusive», chargée de pimenter une relation qui part à vau-l’eau. Rémy va alors intégrer le Cercle des mâles disparus.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Le Cercle des mâles disparus

C’est avec beaucoup d’humour et sur le ton de la satire que Fabrice Châtelain étudie le statut de l’homme d’aujourd’hui. En racontant les déboires du couple que forme Rémy et Charlotte, sa comédie loufoque pose de vraies questions.

Tout commence par un voyage «de rêve» au Nicaragua. Rémy et Charlotte se sont offerts une escapade dans la jungle pour vivre une belle aventure, loin du pavé parisien. Mais Rémy craint les araignées, ne supporte pas leur guide local qui ne cesse de le provoquer et trouve les commentaires des autres touristes particulièrement agaçants. Il ne le sait pas encore, mais ces vacances vont creuser un gouffre entre Charlotte – qui a envie d’un «vrai mec» – et lui.
De retour à Paris, chacun retrouve son train-train et le stress qui va avec, mais aussi le questionnement sur leur relation.
C’est alors que Charlotte décide de prendre les choses en main et prend rendez-vous chez une psy. La thérapeute avait élaboré une méthode d’«écoute active». En faisant s’allonger ses patients, elle cherchait «d’une part un discours plus libre de la part de celui qui s’exprimait et d’autre part à son partenaire d’entendre réellement les choses qui étaient dites.» Une théorie qui va très vite être parasitée par de nouvelles interrogations et par un doute croissant sur leur volonté réciproque d’avancer. D’autant qu’à la banque où travaille Rémy, l’ambiance n’est pas vraiment à la rigolade. On s’observe en chiens de faïence, on est attentif aux moindres rumeurs, on cherche à faire bonne figure, c’est-à-dire dominer le panier de crabes.
L’arrivée du gros Paulo, qui s’installe «provisoirement», ne va pas non plus dans le sens d’une réconciliation. Son modèle d’homme à lui, c’est Gabin, Delon ou Ventura, bien loin de l’image que véhicule Rémy.
Le couple va alors se tourner vers «Love Inclusive», une agence qui offre des services très particuliers: «On fait de la lecture de textes érotiques à domicile, ça marche très fort, c’est notre prestation de base. On propose aussi des séances participatives de pole dance et de striptease non-genré. (…) On effectue aussi des prestations haut de gamme et sur mesure qui consistent à réaliser leur fantasme».
La prestation high level qui est choisie va elle aussi virer au fiasco, signant la fin du couple. Rémy se tourne alors vers le «Cercle des mâles disparus», bien décidé à regagner un statut de «vrai mec». Le stage auquel il participe est du reste l’un des passages les plus hilarants du roman.
On l’aura compris, Fabrice Châtelain s’amuse et nous amuse en détaillant cette quête. Il interroge ainsi la place de l’homme dans la société post #metoo. À l’image de cet anti-héros fragile alors qu’il se rêve macho, gentil alors qu’il sent bien les injonctions qui entendent en faire plutôt un tueur, on avance à tâtons dans cette recherche du profil idéal.
Le style alerte et drôle va alors nous entraîner vers une farce loufoque, lorsqu’avec Paulo, Rémy décide d’endosser le costume des tontons flingueurs. N’est pas gangster qui veut ! Un roman qui se lit comme on suce un bonbon acidulé. C’est doux, mais quelquefois amer. Après En haut de l’affiche, un premier roman qui avait dû être décalé pour cause de pandémie, Fabrice Châtelain confirme son talent d’explorateur de notre société.

Le Mâle du siècle
Fabrice Châtelain
Éditions Intervalles
Roman
256 p., 17 €
EAN 9782369563334
Paru le 17/11/2023

Où?
Le roman commence au Nicaragua, avant de revenir en France, à Paris. On s’y déplace aussi à la campagne, jusqu’à Val-de-Reuil dans l’Eure, en passant par Heudebouville, Vironvay, Saint-Pierre-du-Vauvray.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Après des vacances désastreuses en Amazonie, le couple de Rémy Potier bat de l’aile, et sa femme Charlotte sait pourquoi: ce n’est pas un «vrai mec». Banquier sans ambition, harcelé par son patron, végétarien à mi-temps, Rémy n’échappe pas à la thérapie de couple, puis aux services de Love Inclusive, agence de réalisation de fantasmes féminins. Mais le scénario du kidnapping en limousine tourne court.
Tandis que Charlotte prend la poudre d’escampette avec un Marseillais pas très distingué, Rémy est traîné par son ami Paulo, mufle et volage, dans un stage masculiniste destiné à démanteler la « propagande » féministe et réveiller l’homme en lui. Le vrai. Malgré le fiasco annoncé, Rémy fonde avec Paulo et un des participants le « Cercle des mâles disparus ». Le but : devenir de vrais hommes, à l’image de leurs idoles Gabin, Ventura et Delon.
Mais ne se sont-ils pas complètement trompés d’époque? Le Mâle du siècle est une comédie rafraîchissante dont l’humour truculent se joue de toutes les modes et de tous les tabous.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Blog Tu l’as lu?
Blog Lyvres

Les premières pages du livre
« Chapitre 1
Il tendit une nouvelle fois l’oreille, à l’affût, mais ne perçut que le bourdonnement lancinant de la jungle. Il inspecta encore la couche d’un regard circulaire, puis examina fébrilement les endroits où il avait repéré des interstices dans les filets. Il faillit se jeter hors du lit mais renonça à cette prise de risque inconsidérée. Pour s’échapper, il lui aurait été nécessaire de se frayer un passage dans la moustiquaire.
Et si la bête s’engouffrait dans l’ouverture à ce moment précis? Et s’il s’emmêlait dans le réseau de fils entrelacés et restait prisonnier avec elle ? La sueur lui obstruait la vue. À tout instant, il redoutait que la Sandinista lanceolatum profite de cette occasion pour grimper sur les draps à son insu.
En restant debout au milieu du lit, il avait au moins l’impression qu’il pouvait réagir en cas d’invasion. En bon phobique, il s’était pourtant renseigné sur le sujet avant le : voyage et savait que si l’araignée décidait de passer à l’attaque, il n’avait aucune chance.
Tandis qu’il tentait de contrôler sa respiration et de reprendre ses esprits, la porte de la cabane s’ouvrit enfin.
Anastasio entra gaiement dans la chambre. Sans un regard pour le «petit Français», il inspecta le sol avant de s’agenouiller pour regarder sous le lit. Il disparut quelques instants avant de réapparaître en brandissant l’araignée Comme un trophée, «Welcome to Nicaragua!» clama le guide dans un grand éclat de rire,
«Rémy, je crois que tu peux descendre maintenant», dit Charlotte, apparue dans l’encadrement de la porte.
La jeune femme s’approcha pour observer la bête,
«Viens voir, c’est impressionnant, elle a plein de pattes!»
Quand Rémy, toujours perturbé, descendit du lit, le colosse nicaraguayen se précipita dans sa direction pour lui mettre l’arachnide sous le nez en poussant un cri rauque. Rémy effectua un bond en arrière et laissa échapper un petit râle aigu de vierge effarouchée dont il eut aussitôt honte. Anastasio, hilare, s’adressa alors à Charlotte en espagnol.
«Il dit qu’Indiana Jones n’a rien à craindre parce qu’elle n’est pas venimeuse.
— Très drôle. Dis-lui qu’il peut partir maintenant. On n’a plus besoin de lui, merci. Et t’en profiteras pour lui demander qu’il arrête avec ce surnom.»
Quelques mots furent encore échangés en espagnol entre le guide et la jeune fille.
«Il me dit de te dire que ce soir, tu vas te régaler, c’est grillade de mygale en entrée, puis chauve-souris farcie.
— Hein ?!!
— Mais non, il déconne. Tu tombes vraiment dans tous les panneaux.»
Installé devant son assiette vide — comme tous les jours, le dîner avait été en réalité composé du sempiternel gallo pinto con pollo (riz aux haricots rouges accompagné de poulet) —, Rémy surveillait d’un œil inquiet le ballet des chauves-souris qui virevoltaient autour de la terrasse. Il s’agissait plus exactement d’un espace en terre battue sur lequel avaient été dispersées quelques tables en bois surmontées d’un maigre toit en tôle. Le seul avantage de l’endroit résidait dans la vue imprenable sur le Rio Papaturo, la rivière qui serpente la réserve naturelle de Los Guatuzos. Mais, la nuit tombée, le cours d’eau n’était plus visible et la «terrasse» faiblement éclairée par quelques ampoules projetant une lumière crue ne présentait que peu d’agrément. Tout autour, c’était le noir complet.
C’est dans cette ambiance un peu sinistre que se déroulaient les repas du soir. Aujourd’hui, ils avaient été les seuls convives. Les vieilles Américaines à casquettes blanches, qui s’extasiaient à chaque instant et trouvaient tout «amazing» (les iguanes, les fleurs mais aussi les baraques en bois, les enfants pauvres et le riz blanc) étaient parties la veille au grand soulagement de Rémy. Au moins, ce soir, il n’avait pas été obligé de leur faire la conversation. «Ah, votre fils vit à Boston, mais dites-moi c’est amazing ça. Et votre fille vient de se marier à Chicago?!! Olala comme c’est amazing ça aussi. Et votre mari est mort pendu dans votre cave?! Amazing… Euh non sorry Madame, c’est terrible. »
Les Italiens — une blonde décolorée à l’air hagard et à l’âge incertain et son fils, un vieux garçon d’une trentaine d’années, universitaire spécialiste des amphibiens —, ne s’étaient pas montrés lors du repas. Lui, c’était un exalté. Il poussait des cris stridents à chaque fois qu’il apercevait une grenouille. On le voyait régulièrement surgir de la végétation tel un diable de sa boîte et sauter sur la terrasse sans crier gare avec son épuisette à la main. Dès qu’il attrapait un crapaud, il se croyait obligé de venir à table pour le brandir devant les assiettes en déclinant ses noms latins et en décrivant avec force détails son mode d’alimentation. Tout ça parce que, trois jours avant, Charlotte, par politesse, avait eu le malheur de lui poser des questions sur ses travaux.
À table, Anastasio et Charlotte conversaient devant un album photographique représentant des papillons et insectes locaux. Afin de ne pas totalement exclure Rémy de leur échange, elle lui montrait, de temps à autre, la photographie d’un coléoptère ou d’une chenille. En retour, il feignait vaguement de s’y intéresser, puis se replongeait dans une morne rêverie entrecoupée par l’inspection angoissée du toit de fortune fait de branchages dès qu’il entendait un bruit suspect.
«Il propose un night tour sur la rivière. Seulement quarante dollars par personne, on y va? proposa Charlotte.
— Seulement quarante dollars par personne! Avec une somme pareille tu fais vivre une famille de quatre enfants pendant un mois.
— Justement, il en a plus besoin que nous.
— Mais il est célibataire!
— Bon, tu fais quoi ?
— Je sais pas. Je suis fatigué et je me sens poisseux, j’aurais bien pris une douche.
— Allez, c’est un truc à voir. Tu ne vas pas rester comme un con dans la cabane.»
La barque à moteur progressait avec lenteur sur la rivière étroite et sinueuse faiblement éclairée par un projecteur fixé à l’avant du bateau. Plongé dans les ténèbres, le Rio Papaturo évoquait un décor de film fantastique propice à l’apparition de créatures surnaturelles. On pouvait s’attendre à tout instant à voir un génie maléfique ou un monstre visqueux émerger des eaux. Les arbres, courbés et noueux, paraissaient se refermer sur eux un peu plus à mesure de leur avancée, donnant l’impression angoissante que leurs branches finiraient par les envelopper tout à fait. Quand le guide arrêtait le moteur, un silence épais s’abattait sur les lieux. Alors, seuls quelques hululements isolés et de légers bruissements étaient perceptibles, sons étranges qui chargeaient l’atmosphère d’une menace sourde. Rémy pensait à toutes ces vies invisibles et grouillantes qui peuplaient la forêt, mais qui restaient sournoisement cachées. Des feuilles gigantesques remuaient à la façon ondoyante des algues marines sur les deux rives tandis que des formes indistinctes et furtives semblaient se mouvoir dans l’eau noire et boueuse. L’esprit le moins disposé à la paranoïa pouvait constater que la menace pouvait surgir de partout. Seul le ciel bas constellé d’étoiles constituait une vision réconfortante.
Le guide fit arrêter une première fois le bateau pour contempler un genre de hibou, qui les fixa d’un œil méprisant. Puis, après avoir examiné les eaux sombres pendant quelques instants, il enjamba la barque, fit quelques pas dans la rivière peu profonde et plongea les mains dans l’eau avant d’en ressortir triomphalement un bébé caïman. Évidemment, le guide proposa à Rémy de prendre le reptile affolé dans ses bras quelques instants, tandis qu’il lui maintiendrait la gueule ouverte. Quand le jeune homme déclina la proposition en souriant d’un air crispé, Charlotte se porta aussitôt volontaire. Anastasio proposa d’immortaliser l’exploit. Un flash éclaira la nuit. Après avoir balancé le caïman dans la rivière, le guide désigna la jeune femme du doigt en proclamant: «You are the man of the couple ! Indiana Jones is not a real man!»
La blessure narcissique fut instantanée et Rémy se renfrogna le reste de la traversée. Au retour, ils croisèrent une nuée de petites chauves-souris. Il leur fallut se baisser et se couvrir les cheveux, les rats volants, comme les appelait Rémy, les frôlèrent, en accompagnant leur passage d’un sifflement désagréable. Rémy s’efforça de rester digne afin de ne pas donner prise à de nouveaux quolibets d’Anastasio qui l’observait avec son sourire en coin. L’éclairage de la lampe donnait l’impression à Rémy que deux fentes brillantes lui jetaient des maléfices.
Il soupçonnait que le baroudeur local nourrisse une véritable haine à son égard. La veille, ils avaient marqué une pause bien méritée dans leur excursion pour déjeuner d’un «gallo pinto à la Anastasio» (boule de riz pâteux, os de poulet enrobés d’une mince couche de chair desséchée et haricots bouillis). Charlotte s’était éloignée de la petite clairière où ils étaient installés sur des troncs d’arbres s’enfonçant dans la boue pour faire pipi. La jeune femme à peine partie, la physionomie du guide s’était transformée. Son visage s’était fermé. Rémy avait bredouillé quelques mots afin d’éviter qu’un silence gênant ne s’installât, mais l’autre était resté mutique. Il l’avait fixé d’un air sombre, puis s’était emparé de sa machette et s’était mis à jouer avec, à trancher les bouts de bois qui se trouvaient à ses pieds. Au bout de quelques secondes qui avaient paru interminables à Rémy, Anastasio avait interrompu son manège pour lui dire: «French revolution. I like it. Decapitation, good thing. Some people deserve to be. You know…»
Le guide avait accompagné ses paroles d’un geste éloquent avec sa machette à la hauteur de son cou.
Un frisson avait parcouru l’échine de Rémy. Heureusement, Charlotte était vite revenue. La conversation avait ensuite roulé sur l’Histoire de France. Anastasio qui, pour une raison inconnue, faisait une fixette sur Napoléon, «le Simon Bolivar français», voulait savoir si c’était bien ce dernier qui avait fait guillotiner Louis XIV.
Après coup, Rémy s’était dit qu’il avait peut-être exagéré les choses et que le but du guide n’était pas de l’intimider. Charlotte lui avait souvent reproché ce qu’elle nommait ses accès de paranoïa. En tout cas, il était certain que le guide jouissait de le voir en difficulté.
Une pluie tropicale s’abattit sur eux. Les trombes d’eau menaçant leur frêle embarcation, Anastasio en profita pour avertir Rémy que la pluie faisait sortir les caïmans et les rendait agressifs. Il accompagna ses propos d’une grosse bourrade dans le dos du jeune homme qui manqua de le faire basculer par-dessus bord.
De retour dans la cabane, la tension était palpable. Rémy, trempé jusqu’à l’os, lança à Charlotte:
«Les prochaines vacances, c’est Club Med à Agadir, on est d’accord?
— Mon pauvre Rémy, c’est quoi ton problème? T’as été un peu mouillé, c’est ça?
— Non, mais entre l’araignée, les chauves-souris, la pluie, et l’autre qui se fout de moi à longueur de journée, c’est tout sauf des vacances!
— Ah, c’est sûr que t’es pas Indiana Jones…
— Tu vas t’y mettre toi aussi? T’es au courant qu’il est complètement taré Anastasio. Je suis sûr que si je restais seul à seul avec lui pendant une heure, il me ferait la peau.
— Arrête un peu ta parano. Il est adorable. Mais je sais pourquoi tu réagis comme ça. T’es jaloux!
— Moi, jaloux de ce bourrin ?
— Oui, tu es jaloux parce que c’est un vrai mec, lui!»

Extraits
« En guise de préambule, elle leur traça les grandes lignes de sa thérapie. Elle n’était qu’un simple intermédiaire, un arbitre bienveillant qui allait tenter d’instaurer un nouvel équilibre dans leur couple par son «écoute active». Il leur appartenait d’accomplir le vrai travail. Elle prit connaissance de leur charte et félicita Rémy pour sa concision et son sens des priorités. Elle y vit la marque d’un être nourri de spiritualité se concentrant sur les choses essentielles de l’existence et lui demanda s’il était bouddhiste ou s’il avait une appétence particulière pour les livres de Pierre Rabhi. S’ils n’avaient pas de questions, elle leur proposait de commencer la séance à proprement parler. Rémy s’enquit alors des tarifs et des modes de paiement, tandis que Charlotte interrogea la petite souris sur les délais dans lesquels une amélioration notable de leur relation pourrait être espérée. Puis, la thérapeute les pria de s’allonger chacun sur une banquette et de fermer les yeux. Elle avait élaboré cette méthode qui permettait d’une part un discours plus libre de la part de celui qui s’exprimait et d’autre part à son partenaire d’entendre réellement les choses qui étaient dites. » p. 53

« Éléonore, pourvu d’un sens du contact inné qui l’avait tout de suite mise à l’aise, plaisantait et riait facilement. Tactile, elle n’hésitait pas à lui toucher le bras pour donner plus de poids à un propos et même à lui taper dans sa main dans un accès d’enthousiasme.
La directrice de l’agence l’avait d’abord fait parle d’elle, de sa vie et, bien sûr, de sa relation avec Rémy avant de lui donner des précisions sur les services de l’agence
«On fait de la lecture de textes érotiques à domicile, ça marche très fort, c’est notre prestation de base. On propose aussi des séances participatives de pole dance et de striptease non-genré. Nos sœurs clientes ont la possibilité de choisir sur photographie les intermittents du spectacle qui nous font le cadeau de faire partie de notre team. Voilà, ça ce sont nos “basic services”. Pour nos sœurs les plus audacieuses, on effectue aussi des prestations haut de gamme et sur mesure qui consistent à réaliser leur fantasme, Donc, on rencontre la sœur, elle nous parle de ses désirs, nous on ne juge pas, on n’est pas là pour ça, on lui dit ok ma belle, on va voir ce qu’on peut faire avec ton budget. On lui fait des propositions, c’est interactif et super enrichissant On scénarise ensemble la séquence pour que celle-ci se déroule exactement comme la sœur l’a imaginée, en ajoutant seulement un ou deux éléments imprévus. Pour ces prestations high level, qui mobilisent une véritable équipe de professionnels (scénaristes, comédiens, costumiers voire cascadeurs), les tarifs sont évidemment en rapport avec nos efforts et nos investissements, mais jamais aucune sœur n’a regretté d’avoir franchi le pas. Au contraire, 100% d’entre elles reviennent. Quand on a commencé à goûter au fruit défendu…» dit Éléonore en ponctuant son discours par un sourire complice. Quand celle-ci finit par lui avouer qu’une des prestations les plus demandées était l’enlèvement avec supplément bondage et relation sexuelle «faussement non-consentie» avec son ou sa partenaire (préalablement briefé(e) quant à la marche à suivre), Charlotte avait eu du mal à cacher son trouble. À partir de ce moment, son choix était fait. Elle avait pourtant continué à écouter Éléonore poursuivre son laïus étayé par d’autres exemples de jeux de rôle incluant des pratiques dont elle n’avait pas soupçonné l’existence et qui ne furent pas sans la choquer. » p. 73

À propos de l’auteur

Fabrice Châtelain © Photo DR

Fabrice Châtelain est avocat au barreau de Paris. Après En haut de l’affiche (2020), il a publié Le Mâle du siècle (2023). (Source: Éditions Intervalles)

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