Quand vous êtes sur le point d'atteindre la cinquantaine et que vous avez eu la chance de découvrir les histoires de Tom De Falco et Ron Frenz en temps réel, il est évident que vous gardez un souvenir réjoui de cette période encore trop méconnue du Tisseur de toile. Une phase marquée notamment par une alternance bienvenue entre des épisodes urbains et tendus, et d'autres où l'humour prend le dessus, même dans des situations dramatiques. La Epic Collection nous permet ici de nous un replonger dans l'affrontement entre Spider-Man et le Super Bouffon, de retour, plus perfide que jamais, sans que personne ne connaisse (encore) sa double identité. Le vilain décide de mettre la main sur tout le matériel ayant appartenu autrefois au Bouffon Vert et il s'est accoquiné avec le fils de Wilson Fisk, La Rose, pour parvenir à atteindre ses objectifs. Voilà un malfrat à la cagoule violette, qui fut très charismatique en son temps et qui manipule son associé, comme le ferait probablement aussi son père, le Kingpin du crime. Pendant ce temps-là, la vie n'est pas toute rose pour Peter Parker, l'homme sous le masque. Cela fait des semaines qu'il n'a plus adressé la parole à sa chère tante May, qui lui reproche d'avoir abandonné son rêve de toujours, celui de poursuivre des études et de devenir un brillant scientifique, pour se consacrer à une simple profession sans prestige, photographe freelance pour le Daily Bugle. Nous autres lecteurs en savons un peu plus, mais la tantine ne décolère pas et on l'avait rarement vu aussi bornée. Sentimentalement parlant, ça ne va pas mieux pour Peter : tout d'abord, c'est la rupture avec la Chatte Noire. Felicia lui a caché trop de choses pour que les deux héros continuent de se fréquenter, sans arrière-pensées. Ensuite, Mary Jane a percé le secret de la double vie de Parker. Elle sait désormais que l'homme qu'elle aime est également un super-héros; du coup, cela jette un froid sur leurs rapports, qui pour l'instant peuvent se définir comme "profondément amicaux". Spider-Man va alors croiser sur sa route toute une série de personnages loufoques, certains souhaitant le défier, d'autres devenir son associé, comme Frog-Man, par exemple, ou même le Crapaud. Ce qui amène dans la série une grande touche de fraîcheur et de drôlerie, après quelques épisodes assez sinistres. Du côté du carnet rose, signalons la naissance de Normie, le petit garçon d'Harry Osborn et Liz, sa femme. Évidemment, même cet événement heureux est accompagné de son lot de tensions puisque la jeune femme est enlevée (ainsi que Mary Jane) au moment même où elle s'apprête à accoucher. Presque la routine pour Spider-Man…
Cet album est dense et truffé d'action, de rebondissements, d'événements inattendus. Le Tisseur alterne ses deux costumes, le traditionnel rouge et bleu mais aussi la tenue toute noire, d'autant plus qu'il subit à nouveau les assauts du symbiote, ramené de la planète du Beyonder, qui est parvenu à s'échapper de sa prison de verre, au quartier général des Fantastiques. Le Beyonder, parlons-en justement, puisque deux épisodes sont aussi en rapport avec les Guerres Secrètes, secondes du nom. Désireux de comprendre ce qui motive et ce que veulent vraiment les humains, le Beyonder a transformé un immeuble de New York en or massif. L'édifice s'effondre, provoque une catastrophe et menace même de déséquilibrer l'économie mondiale, sauf si le gouvernement et Wilson Fisk décident d'intervenir en grand secret. L'occasion aussi pour Parker d'avoir un dilemme à résoudre : en échange des vies qu'il sauve, est-il autorisé à emporter un joli bloc notes en or massif, pour payer les factures de sa tante ? Ce volume permet aussi de lire les premiers pas de Silver Sable, la femme la plus dangereuse en provenance de Symkarie. On y trouve aussi un affrontement titanesque, qui finit en couverture, entre Spider-Man et Firelord, un héraut de Galactus. La merveille débarque sur Terre dans l'intention de manger une pizza (véridique !) mais la manière dont il traite le personnel et exige son plat préféré provoque une petite émeute et l'intervention du Tisseur, qui va vite dégénérer en un mano a mano violent. Je le répète, il se passe énormément de choses dans ces presque 500 pages, que je ne saurais trop vous recommander. D'autant plus que vous allez aussi trouver du Peter David au scénario, du Sal Buscema aux dessins, un des artistes que je préfère pour Spider-Man, ou encore des pages que nous devons à Mike Zeck ou Bob Layton. Dis comme ça, on a presque l'impression de flirter avec l'indigestion et en effet, il y a à boire et à manger ! Pour autant, on sort de table rassasié, avec l'impression d'avoir fait un investissement très rentable et d'avoir pris une bonne bouffée de nostalgie, comme il nous en arrive assez rarement.
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