Le retour à la maison après les épreuves. (c) David Sala-Casterman.
Se partageant entre la littérature de jeunesse et la bande dessinée, David Sala illustre jusqu'à présent les textes des autres, à l'exception de son superbe roman graphique autobiographique "Le poids des héros" (Casterman, 2022). "Je travaille en jeunesse depuis des années avec de grands auteurs", explique celui qui a déjà adapté "La Belle et la Bête" en 2014. Le voici de retour au conte. "Avec la peur de l'abandon, la sorcière, la perte dans la forêt, je trouvais le thème de "Hänsel et Gretel" tellement fort que j'ai eu envie de le mettre en images, d'en faire quelque chose de personnel par mon graphisme. On ne réalise pas assez que c'est en réalité Gretel l'héroïne car c'est elle qui sauve son frère."
Perdus dans la terrible forêt. (c) Casterman.
"J'ai choisi la quatrième version des frères Grimm", précise David Sala, "celle où la belle-mère veut se débarrasser de ses beaux-enfants alors que le père des enfants souffre. Il est bûcheron, il a des mains de bûcheron. Il est à la fois très fort et très fragile. Cela renforce la dynamique, donne une histoire riche. Au départ, Hänsel protège sa petite sœur, c'est touchant. L'élément intéressant supplémentaire est que c'est elle qui le sauve en finale. J'ai opté pour le texte intégral mais j'y ai fait de légères modifications pour coller à mon dessin, la maison ou la sorcière par exemple. J'ai choisi que la sorcière soit belle car les prédateurs sont souvent très séduisants. Si elle n'était pas belle, les enfants s'en méfieraient."
La sorcière. (c) Casterman.
Les dessins, c'est bien là que réside toute la magie de cet album. La première double page est renversante et séduit alors qu'elle est dénuée de toute trace humaine. On y voit une petite maison illuminer un paysage d'arbres aux couleurs assorties, jaune, vert... On la retrouvera en toute fin d'album, tons inversés dans une ode à la vie revenue. Les suivantes nous entraînent comme les deux enfants rouquins du bûcheron roux dans une forêt aux arbres psychédéliques, écho à l'album précédent de David Sala. A l'intérieur de la maison de la sorcière, le conte est projeté à l'époque quasi contemporaine, dans les années 70. En attestent les murs tapissés d'orange bien pop. Et cela marche! On entre dans le récit sans aucune peine et on se laisse émouvoir par les illustrations.
Le graphisme pop des années 70. (c) Casterman.
"Les dessins sont venus avec le projet", explique David Sala. "Une forêt étrange, presque organique, avec un côté abstrait, une forêt qui n'est pas qu'empoisonnée. Elle est même devenue un personnage à part entière. Je lui ai donné des variations chromatiques pour des questions de contrastes. La nuit est censée être sombre, la lumière que je lui confère me permet de jouer des contrastes. Je voulais que mon adaptation propose un regard graphique différent, une relecture de l'histoire dans un nouvel environnement pour donner une autre émotion au lecteur. J'ai choisi un univers cohérent des années 70, le papier-peint, un poêle suspendu. Les personnages sont, eux, plutôt réalistes qu'abstraits."
Il ne reste qu'à plonger dans le conte de "Hänsel et Gretel", magnifiquement revisité par des illustrations toujours à bords perdus, qu'elles figurent sur simple ou double page. Des images qui donnent envie de les voir en vrai: "Mes originaux sont plus grands que le livre", détaille l'artiste. "C'est de la peinture à l'huile classique, avec un mélange d'empâtement, de matière, de liquide, de coulures, de resculptures par le noir. Même les "accidents" sont exploités. Les fonds sont par contre en peinture uniforme pour créer le contraste avec les sujets."