Florence en 1557. Le corps du peintre Pontormo, assassiné, est retrouvé au pied des fresques sur lesquelles il travaille depuis onze ans dans l’église San Lorenzo. Cosimo de Médicis, duc et dirigeant effectif de la république de Florence charge Giorgio Vasari, peintre, architecte et écrivain toscan, de résoudre cette affaire, lequel va demander conseils à son maître, Michel-Ange, exilé à Rome.
Un roman certainement clivant pour différentes raisons, moi-même j’ai longtemps pensé qu’il était raté, pour finalement le trouver plutôt réussi !
Ce qui m’a le plus agacé avant que je ne m’y habitue, c’est la forme adoptée par l’auteur, le récit épistolaire. Cet échange de lettres entre les protagonistes, et ils sont légion, casse le déroulé de l’intrigue et notre attachement à tel ou tel personnage. De plus, quand deux personnes s’écrivent, elles ne se « parlent » pas comme à l’oral, ici les rapports de force ou de condition sociale obligent par écrit à des flatteries exagérées (« Mon cher Maître, deuxième plus grand créateur après Dieu »), une langue accentuée par le style sensé être d’époque.
L’intrigue, que dis-je, les intrigues sont multiples et particulièrement complexes et machiavéliques. Il y a ce crime bien sûr, et la fresque, pourquoi un petit bout en a-t-il été retouché à la va vite ? Puis ça se complique grave, le mort avait peint un tableau, disparu, basé sur un dessin de Michel-Ange (Vénus et Cupidon), remplaçant le visage de Vénus par celui de Maria, la fille du duc de Florence. Scandale ! Si ce tableau jusqu’ici secret, tombe dans les mains des adversaires politiques du duc, en particulier sa cousine Catherine, reine de France, alliée à son ennemi juré, le républicain Piero Strozzi. Maria, qui par ailleurs, préfère être courtisée par l’un des pages que d’être mariée au fils du duc de Ferrare, un sale type selon la rumeur.
Toutes ces intrigues s’emmêlent, chacun joue sa carte ou double-jeu. Dans ce tourbillon il est question d’alliances/combats géopolitiques, de pauvres/puissants, de mariage forcé/amant de cœur. Et beaucoup de religion et de mœurs, à un moment historique où le nu est banni car « obscénité diabolique » ou parce que « toute représentation du corps humain est une offense faite à Dieu ».
Le roman est par ailleurs fort instructif, non seulement historiquement puisque les acteurs sont tous réels, mais aussi car on y parle énormément de peinture et de technique des uns et des autres.
Enfin j’en termine avec un autre point clivant, l’épilogue et la découverte du criminel, un coup de théâtre magistral que tout le monde ne va pas aimer (?) mais qui m’a bien amusé !
Donc, un bon bouquin finalement, mais tout est une question de perspective ?
« Entendez-moi bien, mon amie : si un tueur de peintres court dans les rues de Florence, je dois le retrouver. Et surtout, je dois trouver le fin mot de cette histoire. Ces fresques et ce tableau que vous haïssez tant, je dois les faire parler, car ils cachent un secret, et il ne peut y avoir de secret pour le duc de Florence. Vous pouvez vous réjouir de la mort de Pontormo, il n’en demeure pas moins que, pour le bien de l’Etat, nous devons éclaircir les raisons de cette mort. Un prince dans le noir est un prince un sursis. »