Les Tisaganes et la Renaissance

Tisaganes Renaissance

" Les Tsiganes et la Renaissance "

TABUCCHI Antonio

(Arcades/Gallimard)

" Florence est une ville vulgaire. Cette vulgarité apparaît dans les circonstances et les moments les plus divers de la vie urbaine dont il serait fastidieux de dresser la liste. Elle ne réside pas tant dans le clinquant d'une beauté devenue vénale et qui du reste contraste avec les déplorables conditions dans lesquelles la ville est entretenue, quelle que soit la coloration politique de l'administration du moment. Elle ne réside pas non plus dans l'agressivité presque hystérique dans laquelle on conduit n'importe quel type de véhicule dans cette ville, dans l'indifférence de ce qui serait préposé par profession à maintenir une circulation ordonnée et civilisée. Elle ne réside pas plus dans l'indifférence, partagée par tout un chacun, à apprendre qu'une des villes les plus sales, les plus bruyantes et les plus polluées d'Europe (comme l'attestent les statistiques les plus fiables) est présentée à l'étranger, tel un faux billet, comme l'image de la perfection de la Renaissance. Je crois que Florence, plus que tout autre lieu italien, a su coaguler en elle de façon presque magique, la vulgarité qui plane sur l'Italie contemporaine (ainsi peut-être que sur d'autres Pays européens) jusqu'à en faire une sorte de Weltanschauung, une espèce de manteau qui l'enveloppe, une effrayante âme collective, à laquelle personne n'échappe et qui signifie arrogance, intolérance, grossièreté... "

(Weltanschauung : Conception du monde)

Antonio Tabucchi brosse en quelques phrases un portrait sans concession de Florence, épicentre du tourisme culturel italien. Un portrait qui confirme ce que sont les souvenirs du vieux Lecteur, lequel eut en d'autres temps l'opportunité de découvrir la capitale de la Toscane. Ce portrait est un prélude servant à éclairer la relation qu'entretiennent les autochtones avec les populations Roms qui sont venues ici chercher un illusoire refuge. Antonio Tabucchi, ardent défenseur de la cause de celles et de ceux dont personne ne veut, confère dans ce texte tout sa richesse à un mot qui devrait être au cœur de la pensée et de l'action des sociétés modernes, l'Humanisme.

" J'aime les cultures nomades et les idées nomades. En littérature et en culture, avant tout. J'ai une grande méfiance des cultures fermées, des cultures qui érigent des murs et des palissades autour d'elles. Je les considère comme dangereuses et peut-être qu'un examen de l'histoire récente de notre Europe pourrait aussi le démontrer. Elles deviennent xénophobes, elles deviennent nationalistes et elles deviennent imperméables, et souvent elles acquièrent une arrogance par laquelle elles se considèrent comme supérieures à d'autres cultures. "

Un texte (et les quelques écrits qui l'accompagnent) à découvrir en ces temps où les droites extrêmes établissent leur emprise sur nombre de sociétés européennes.