Auteur : Raphael Mathevet
Voilà un essai absolument passionnant sur une espèce fort commune, dont on dit qu’elle est surpopulation, mais qui, paradoxalement, est méconnue du grand public. De l’image du sanglier, on garde des idées reçues, une réputation de « bête noire » dangereuse ou de destructeur de récoltes. Pour la plupart d’entre nous, le sanglier est aussi la bête que l’on redoute de croiser sur une route, anticipant le fracas de la tôle emboutie par un bolide à quatre pattes qui traverse en aveugle obstiné les grands axes routiers. Mais pour qui prend le temps d’observer l’animal, dans la patience d’un affût ou la chance d’une rencontre inopinée, on découvre une tout autre créature.
Les auteurs passent en revue toutes les situations où l’homme est confronté à l’animal, c’est à dire essentiellement liées aux pratiques agricoles et cynégétiques, et redonnent sa place à une espèce qui a aussi son rôle à tenir notamment au sein de l’écosystème forestier. Le sanglier ne se résume pas à une calamité ou un trophée, il a sa propre vie, il sait profiter de son milieu, communiquer avec ses congénères, veiller sur ses petits, il est opportuniste, intelligent, et pour peu qu’on ne le menace pas, il est capable de cohabiter en paix avec les humains.
Mais c’est aussi un animal qualifié de nuisible, traqué, pour chassé et abattu en tous lieux et en tous temps. Il se rapproche stratégiquement des villes et des bourgs où il sait qu’il bénéficiera d’une relative tranquillité. Le sanglier est devenu chair à canon, et je trouve cela extrêmement navrant, et même tragique. Dans cet essai, on y découvre donc l’historique des relations hommes-sangliers et la façon dont nous sommes parvenus aujourd’hui à cette situation inextricablement liée aux enjeux politiques. J’en profite aussi pour saluer les auteurs qui ont pris le parti de se glisser dans la peau d’un sanglier le temps de quelques très courts chapitres, et qui sont émouvants et passionnants. Une lecture que je recommande chaudement, cela va sans dire.