Cette autre vie

Cette autre

" Cette autre vie "

KÖHLER Hannes

Un roman qui raconte un épisode de la Seconde guerre mondiale ignoré du vieux Lecteur : le transfert aux USA de prisonniers de guerre allemands, au lendemain du Débarquement en Normandie. Des prisonniers internés dans des camps où ils sont correctement traités mais où ils sont contraints à des travaux d'utilité publique (dont la cueillette du coton). Dans ces camps vont se retrouver et se confronter de farouches zélateurs du Führer et des " réalistes " aux yeux desquels la guerre est alors perdue. Sous le regard de leurs géôliers qui utilisent parfois les compétences avérées de certains de ces allemands exilés loin de leur terre natale.

Tel est l'intérêt majeur de ce roman : restituer ce moment si particulier de la guerre, lorsque les vaincus se voient dans l'obligation de mettre leur force de travail au service des vainqueurs. Lesquels, de l'été 1944 au printemps 1945, vont anéantir le nazisme durant une longue et sanglante phase de conquête qui connut des moments difficiles, comme lors de la contre-offensive allemande dans les Ardennes belges lors de l'hiver 1944/1945.

Reste la question que l'Auteur ne pose que de manière marginale, prudente, pudique, timorée, celle de la dénazification. Laquelle n'est vraiment évoquée qu'en toute fin du récit, lorsque Franz (personnage central du roman qui, en compagnie de son petit-fils, retrouve aux Etats-Unis le camp où il avait été interné) évoque la mise à mort d'un nazi. Une mise à mort qui intervient au lendemain du suicide d'Hitler, soit donc à quelques jours de la fin du conflit. " J'ai vraiment espéré que quelque chose change, qu'on puisse faire table rase dans ce pays qui avait en réalité perdu son droit d'exister. Dénazification. Ça sonnait déjà comme quelque chose qui ne fonctionnerait jamais. On a pu pêcher quelques poissons moyens. Mais c'était tout. Personne ne s'est réellement penché sur la question. En tout cas, pas les Allemands... Et pour les Américains, à l'époque, deux nazis discrets valaient mieux qu'un communiste agité. "

Dommage, pour ce roman qui s'immergeant dans les moments les plus tragiques de l'Histoire du XX° siècle, que la guerre si longuement évoquée paraisse ignorer ce qui se déroula sur le Front de l'Est. Dommage que l'Auteur ne fasse référence dans son récit qu'à une seule Allemagne, semblant ainsi dédaigner celle qui sous la houlette soviétique s'instaura à l'Est. Dommage qu'il soit si peu question du positionnement à l'égard du Reich de la conséquente immigration allemande qui avait concouru au peuplement des USA et dont les sympathies à l'égard d'Hitler et des nazis ne relevèrent pas de l'anecdote. Hannes Köhler semble appartenir à cette catégorie des Ecrivains qui s'emparant des " Romans nationaux " n'offrent qu'une traduction parcellaire de l'Histoire qu'ils feignent aborder avec l'objectivité qui sied dans ce genre d'exercice.