Éditions des instants – 2023 – 200 pages
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« Et je peux pas emmener le bruit que fait mon parquet quand je rentre! Et je peux pas emmener la tache de soleil qu’il y a juste sur le haut de la couverture quand je m’réveille! »
C’est la guerre – cette guerre qu’ils pensaient lointaine, cette guerre qui se faisait ailleurs que chez eux, qu’ils voyaient aux infos – cette guerre est maintenant là. Ils doivent choisir les quelques possessions à emporter. Ils habitent le même immeuble et ils ont une heure pour choisir ce qu’ils vont emporter avec eux, et ce qu’ils vont laisser derrière eux : les soldats ont donné l’ordre d’évacuer ; ils ne doivent emporter qu’un seul sac par personne. Comment toute une vie tient-elle dans un sac? Qu’est-ce qui est précieux pour nous? Comment définissons-nous l’indispensable? Quels souvenirs garder?
Il y a Jeanne et sa maman Manon qui tente de cacher son angoisse, une vieille dame qui se perd dans la contemplation de ses tulipes, la femme de Paul qui prend enfin des libertés, Marek l’exilé qui résiste, Sylvain et sa famille nombreuse, Soresh un jeune homme sourd et muet de naissance, qui n’entend pas les cris des soldats. Et cet homme à la rue, à côté de qui tout le monde passe sans le nommer, Guy et Totem, son chien.
À ceux qui ont tout perdu est un roman à l’écriture ciselée, qui prend aux tripes tant il résonne avec l’actualité ; un texte très sombre et pourtant profondément lumineux. J’ai aimé la construction narrative, chaque partie se concentre sur un personnage et fait écho, entrant en résonance avec les autres. C’est roman d’une grande beauté, qui m’a bouleversée et qui va me rester longtemps en mémoire.