Verticales - août 2023 - 216 pages
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" Une monstre horrifiante sévit dans le blanc de ma tête. " Une enfant semble traquée par des pensées monstrueuses ? Cette monstre la fait souffrir au quotidien et elle ne peut en parler. C'est un mal qui l'étouffe sans qu'elle ne parvienne à le nommer. Une présence malfaisante et dévorante dans son corps. Une étrangère qui entrave sa gorge. Métaphore d'un mal-être, d'une dépression, d'une angoisse ? " Rien de ce qui sort de ma tranchée ne m'exprime. "
L'enfant vit dans une praison avec Novatchok et Swayze, ses parents. Et Petit Prince qui fait des crises nocturnes et Grandoux qui n'est là que quelques jours par semaine ; ce sont ses frères. Les spartiates, ce sont les gens du dehors, qui ne vivent pas comme eux, chez qui elle n'est jamais allée. Il n'y a que les mathématiques qui vont réussir à lui apporter de l'apaisement. " Puisque tout le monde dort ou fait sans blanc, je passe mes nuits à graver des formules de maths le long des arbres pour tenter de clarifier les termes de mon équation. "
J'ai été saisie d'emblée par l'écriture très originale de l'autrice qui nous livre ce regard insolite d'enfant sur le monde, qui reprend les mots de la mère dans la bouche de l'enfant. La mère, ce personnage monstrueux et tyrannique qui envahit jusqu'au langage de l'enfant tellement elle a d' emprise sur elle. L'écriture est très orale, les dialogues s'inscrivent dans le texte sans distinction.
Au fil des mots se raconte la violence de cette enfance, de ce quotidien. Léna Ghar a élaboré un univers tout à fait unique. L'écriture tranchante et poétique dit la folie et la violence du quotidien. Tumeur ou tutu est un texte poétique et fou, truffé de néologismes qui façonnent le réel, le métamorphosent - intimmensité, cloâtre, praison, amniosie. Un texte hypnotique qui m'a happée - aux côtés de la narratrice j'ai ressenti sa solitude, immense, et sa colère, sourde.
" On n'attend qu'une seule chose du soleil qui se lève : qu'aujourd'hui ne ressemble ni à hier ni à demain. " " Ce séisme entre mes poumons quand tu dis Je t'aime comme je n'aurais jamais cru que c'était possible. "