Barbe bleue (Camille Benyamina – D’après Amélie Nothomb – Editions Albin Michel)
Saturnine Puissant est une jeune professeure à l’Ecole du Louvre. Comme plusieurs dizaines d’autres femmes, elle a répondu à la petite annonce pour devenir colocataire dans un appartement situé dans un splendide hôtel particulier, au coeur du prestigieux septième arrondissement de Paris. A l’instar de toutes les femmes présentes, elle est bien décidée à sortir le grand jeu pour convaincre le propriétaire de cet hôtel particulier de retenir sa candidature. Il faut dire que la colocataire sélectionnée bénéficiera d’une luxueuse chambre de 40 mètres carrés avec salle de bains privée. Qui plus est à moindre coût. Une aubaine impensable en plein Paris, où il est tellement difficile de trouver un logement décent à prix abordable! Forcément, les candidates se bousculent au portillon, en faisant fi des rumeurs plutôt inquiétantes qui entourent le propriétaire de l’immeuble, le mystérieux et richissime Don Elemirio. Ce dernier traîne une réputation sulfureuse, étant donné que ses huit précédentes locataires ont disparu. Au moment où elle se retrouve enfin face à lui, Saturnine n’a même pas besoin de détailler son CV pour convaincre Don Elemirio. Immédiatement, il lui dit « Bienvenue chez vous », en lui précisant qu’elle peut emménager dès le lendemain. Il ajoute qu’elle peut accéder à l’ensemble de son immense appartement, à l’exception d’une pièce qui lui est totalement interdite: la chambre noire. Mais bien sûr, cet interdit va vite rendre l’attrait de cette pièce irrésistible. Qu’est-ce que Don Elemirio peut bien cacher derrière cette porte? Et surtout, que sont devenues les huit colocataires précédentes?
De plus en plus de romans sont adaptés en bande dessinée, mais c’est la première fois qu’un livre de la romancière belge Amélie Nothomb devient à son tour un roman graphique. Comme l’univers de l’écrivaine célèbre pour ses chapeaux est plutôt particulier, on pouvait se demander si ça allait donner quelque chose en bande dessinée. La réponse est oui. Cette version BD de « Barbe bleue » est une belle réussite, grâce à un vrai sens du rythme et des dialogues savoureux, mais aussi à des couleurs superbes. C’est surtout le duo formé par Saturnine Puissant et Don Elemirio qui fonctionne à merveille, puisque la jeune femme est une forte tête qui ne se laisse pas faire par l’imprévisible aristocrate espagnol, malgré toutes ses tentatives de manipulation et de séduction. Il faut dire que Camille Benyamina s’y connaît en matière de personnages féminins forts, elle qui a déjà signé des BD telles que « Violette Nozière, vilaine chérie » et « Les Petites distances ». Cette dessinatrice française, qui travaille également comme directrice artistique pour un studio de jeux vidéo au Canada, était certainement l’autrice la plus indiquée pour transposer l’univers d’Amélie Nothomb en bande dessinée. Elle est en effet une lectrice assidue des livres de la romancière belge, avec laquelle elle correspond depuis l’adolescence. C’est elle qui a choisi d’adapter le roman « Barbe bleue », qui est paru en 2012 et qui s’est vendu à plus de 300.000 exemplaires. Cette histoire étonnante, pas forcément le livre le plus connu d’Amélie Nothomb, est une réinterprétation moderne et féministe d’un conte de Charles Perrault. Si cette première bande dessinée fonctionne, on peut sans doute s’attendre à d’autres adaptations de romans d’Amélie Nothomb à l’avenir, puisque celle-ci compte déjà plus d’une trentaine de best-sellers à son actif. Et bien sûr, elle en publie un nouveau à chaque rentrée, avec une régularité métronomique.