Un jour, les parents de Léonie la forcent à prendre le large. Tout à coup, la jeune fille se retrouve coincée sur une petite embarcation en plein milieu de l’océan, avec juste un sac à dos et des simples rames en bois. Comment diable va-t-elle faire pour s’en sortir? Heureusement, elle fait la connaissance de deux compagnons d’infortune: d’abord Balthazar, un adolescent muet, et puis Agathe, qui semble chercher la terre ferme depuis de nombreuses années. Tandis que des yachts et des bateaux à moteur circulent à toute allure autour d’eux, Léonie, Balthazar et Agathe se lancent ensemble dans une traversée éprouvante pleine de péripéties… Après avoir fait forte impression avec un premier roman graphique intitulé « Vague de froid », le jeune auteur belge Jean Cremers est de retour en librairie avec « Le grand large », un récit métaphorique sur le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions sur l’origine de ce projet.
Pile un an après la sortie de « Vague de froid », vous êtes déjà de retour avec « Le grand large », un nouvel album de 250 pages. Vous travaillez très vite?
En réalité, je n’ai pas vraiment eu le choix. Quand j’ai signé « Vague de froid » aux éditions Le Lombard, je me suis retrouvé avec un salaire qui n’était pas suffisant pour pouvoir en vivre. J’ai donc dû chercher un autre boulot plus alimentaire sur le côté. Heureusement, c’est à ce moment-là que j’ai reçu un mail des éditions Glénat pour me proposer de travailler sur un autre album avec eux. Ils m’ont contacté parce qu’ils avaient apprécié mon travail pour le concours Quai des Bulles en 2020.
Vous vous êtes donc retrouvé à plancher sur deux projets en parallèle?
Exactement! J’ai signé le projet « Vague de froid » quand j’étais encore à l’Académie des Beaux-Arts. Et puis deux ou trois mois plus tard, à ma sortie d’école, j’ai signé le projet « Le grand large ». Je m’en souviens très bien parce que c’était juste après les inondations qui ont touché la maison de mes grands-parents à Tilff, près de Liège, durant l’été 2021. Je me suis retrouvé à jongler entre le nettoyage de cette maison remplie d’eau et toute sale et le fait de devoir aller régulièrement voir mes mails pour discuter du projet avec Glénat. En plus, j’ai été obligé de réagir très rapidement puisqu’on était aux alentours du 20 juillet et que l’éditeur voulait un scénario pour la fin du mois.
Si je comprends bien, l’été a été un peu agité pour vous?
Oui, c’est vrai, mais au final cet été s’est révélé positif pour moi. Je me suis rendu compte à ce moment-là que j’allais parvenir à réaliser mon rêve et faire de la BD ma source principale de revenus. C’est comme ça que je me suis effectivement retrouvé à travailler sur deux albums en parallèle, tout en mettant quand même davantage l’accent sur « Vague de froid » dans un premier temps, puisqu’il devait sortir plus tôt.
Comment avez-vous fait concrètement? Une semaine l’un et une semaine l’autre?
Oui, quelque chose comme ça. Au début, je faisais deux semaines l’un et deux semaines l’autre. Mais ensuite, je me suis rendu compte qu’en travaillant comme ça, je n’allais pas pouvoir respecter les délais fixés par Le Lombard. J’ai donc mis le projet pour Glénat de côté pendant quelques mois et j’ai d’abord terminé « Vague de froid », qui devait être prêt pour le festival d’Angoulême en janvier 2023. Pendant deux mois et demi, j’ai travaillé 7 jours sur 7. J’étais dans un rush plein d’énergie. Ensuite, j’ai pris seulement une semaine de congé pour me retaper un peu et j’ai directement repris le travail pour Glénat. C’est ce qui explique pourquoi j’ai déjà un nouvel album qui sort aujourd’hui, un an seulement après la parution de « Vague de froid ».
Du coup, vous n’avez pas ressenti de pression ou d’angoisse de la page blanche suite au succès de « Vague de froid »?
J’ai quand même ressenti un peu de pression pendant quelques semaines parce que « Le grand large » a mis un peu plus de temps que prévu à sortir. Heureusement, il sera finalement bien présent à Angoulême cette année, ce qui me réjouit. Ce qu’il faut souligner, c’est que « Le grand large » est un album complètement différent de « Vague de froid ». C’est une volonté de ma part, parce que je me suis dit que les gens avaient déjà eu droit à un sujet assez compliqué lié au deuil dans « Vague de froid ». Je n’avais pas envie de leur resservir quelque chose de tristounet. Je voulais faire un album qui parle un peu plus à la jeune génération de lecteurs. Je voulais quelque chose qui soit davantage dans le registre du roman d’aventures. Un récit plus léger et accessible, tout en intégrant une lecture plus adulte. Pour toutes ces raisons, je n’ai pas ressenti trop de pression au moment de m’attaquer à ce deuxième album. Mais pour être tout à fait honnête, je commence à sentir cette pression maintenant.
Pourquoi cela?
Comme j’ai eu la chance de remporter le prix Fnac Belgique et le prix Rossel pour « Vague de froid », il y a forcément plus d’attentes par rapport à cette deuxième BD. Les gens veulent la même qualité. Je m’en suis rendu compte en commençant les séances de dédicaces pour « Le grand large ». Un grand nombre de lecteurs viennent me voir en me disant qu’ils ont énormément apprécié « Vague de froid ».
Pour éviter de gamberger suite au succès d’un album, j’imagine que le mieux est de ne pas s’arrêter et d’immédiatement enchaîner sur un nouveau projet?
En effet, il ne faut jamais s’arrêter. C’est d’ailleurs l’excellent conseil que m’ont donné mes collègues d’atelier, qui ont plus de bouteille que moi. Ils m’ont dit de ne pas laisser trop de temps s’écouler entre deux projets. Parce que le temps que le contrat pour l’album suivant soit finalisé, il y a parfois plusieurs mois qui passent. Et pendant ces mois-là, on n’a pas forcément droit au chômage.
C’est important pour vous de travailler en atelier?
Absolument! Je suis très content de faire partie de cet atelier qui se trouve dans la rue Saint-Remy à Liège, près de la place Saint-Paul. J’y travaille aux côtés d’auteurs expérimentés comme Batem, Clarke, Ludo Borecki, ou Marco Venanzi. Et maintenant, nous avons été rejoints par Annick Masson, qui est une illustratrice que j’aime beaucoup.
L’idée de la BD « Le grand large » vous est venue pendant les inondations qui ont touché la Wallonie en juillet 2021. Il y a un lien?
Oui et non. Inconsciemment, je pense que ce récit est effectivement venu en partie des inondations, puisque je l’ai écrit littéralement 3 ou 4 jours après les événements. En même temps, j’avais l’histoire en tête depuis longtemps. Je voulais faire un truc avec des enfants et je voulais évoquer un univers postapocalyptique. D’ailleurs, quand j’ai commencé à écrire un scénario pour Glénat, il parlait déjà d’une cité submergée, avec beaucoup d’eau. Je me suis rendu compte par après que j’ai un rapport très étrange à l’eau. Il y en avait dans « Vague de froid », il y en a beaucoup dans « Le grand large » et il y en aura aussi dans ma prochaine BD. En même temps, je trouve que l’eau est un élément intéressant à dessiner et à mettre en couleur. Pour « Le grand large », je me suis donc dit: tant qu’à faire, pourquoi ne pas tout faire sur l’eau?
Malgré tout, est-ce qu’il y a eu d’autres sources d’inspiration?
Oui, évidemment. Je crois qu’on est tous le produit de récits qu’on aime bien. On n’invente rien. Ce que je peux affirmer avec certitude, par contre, c’est que je n’ai pas été inspiré par le film « Waterworld ». Je préfère le préciser, parce que tout le monde m’en parle.
En lisant votre BD, j’ai pensé moi aussi à ce film avec Kevin Costner, surtout dans le passage où on voit une ville composée d’un assemblage de bateaux…
Je comprends le lien avec « Waterworld » mais personnellement, je préfère envisager « Le grand large » comme une sorte de Mad Max sur l’eau.
Dans votre BD, des parents décident d’abandonnent leur enfant sur une petite embarcation au milieu de l’océan. Ça vous est venu d’où, cette idée un peu étrange? C’est assez violent, quand même.
Avec ce récit, ma volonté était surtout de traduire la violence que l’on peut ressentir lorsqu’on passe du stade de l’enfance ou l’adolescence à la vie adulte. Moi, heureusement, je n’ai pas vécu tout ça, puisque je n’ai pas été mis à la porte par mes parents ou quoi que ce soit. Mais je sais que ça a été le cas pour d’autres personnes. Et souvent, elles en gardent un souvenir très violent. Je pense que les parents ne se rendent pas toujours compte de ce que leurs enfants peuvent ressentir. Mon récit est un peu comme une métaphore du premier jour d’école.
Et l’océan, c’est une métaphore de la société?
Oui, c’est un peu la cour de récré. C’est l’endroit où tout le monde doit trouver son petit emplacement. Il y en a qui aiment bien aller sous l’arbre, d’autres qui préfèrent rester sous le préau. C’est comme ça que j’ai imaginé mon récit. Le passage vers la vie adulte est ce moment particulier où on se trouve dans une sorte d’entre-deux. Sans mauvais jeu de mots, c’est le moment où tout le monde doit se jeter à l’eau. Il faut apprendre à naviguer sur les flots de la vie. C’est un peu ce que j’ai ressenti quand je me suis lancé dans le monde de la bande dessinée. Je me suis dit: et si ça ne marche pas, qu’est-ce que je fais ?
En même temps, « Le grand large » ne parle pas que du passage à l’âge adulte. On sent que vous voulez y aborder aussi la question des inégalités sociales, par exemple. Il suffit de voir les trois personnages principaux de votre livre : une fille à qui il manque un bras, un garçon muet et une vieille dame qui perd un peu la boule. Ce sont clairement des personnages en position de faiblesse.
Exactement. Déjà, je trouve que c’est beaucoup plus simple d’écrire une histoire avec des personnages qui sont atteints par quelque chose, qui ont une forme de handicap. Avec ces trois personnages, je voulais surtout souligner le fait que quand on se lance dans la vie, on a tous nos casseroles, nos inquiétudes, nos angoisses. Et bien sûr notre passé aussi, avec lequel il faut composer. En réalité, j’ai toujours voulu traiter du handicap, mais comme c’est un sujet que je ne connais pas forcément très bien, je préfère l’effleurer plutôt que de le traiter en profondeur et en faire le sujet principal d’un bouquin. En tant qu’auteur aussi, c’est un élément intéressant. Quand on enlève un bras à un personnage qui doit ramer pour avancer, ça crée inévitablement une trame scénaristique dans l’histoire. Ça sert le récit. Si ce n’est pas le cas, ça ne vaut pas la peine de l’ajouter.
Votre récit précédent a été inspiré par votre frère. Ici, vous avez pensé à votre sœur?
Oui, « Le grand large » est dédié à ma sœur Lise, qui est l’aînée de la famille. On est une fratrie très soudée, mais c’est Lise qui a dû passer par toutes les grandes étapes avant nous. C’est elle qui a ouvert toutes les portes en premier. Cela dit, je ne sais pas vraiment comment elle a ressenti le moment où elle a dû quitter le nid. Mon récit a surtout été inspiré par sa personnalité. Chacun de mes personnages représente une part de Lise. Léonie a son côté très impulsif, dans le bon sens du terme, Balthazar représente son côté plus muet et plus aimant, tandis qu’Agathe a ce côté plus drôle et imprévisible que ma sœur a aussi. Lise, c’est un peu mon Agathe à moi, parce qu’elle nous a servi de guide à tous, qu’on le veuille ou non. Mon frère Martin dit souvent qu’il s’est fait tout seul. Mais c’est elle qui est partie la première vers le grand large. C’est l’aînée de la famille et elle a pris ce rôle très à cœur, sans jamais rien demander en retour.
On sait à quel point il est difficile de se faire une place en tant que jeune auteur dans le monde de la BD. Pourtant, vous y êtes arrivé assez rapidement grâce à « Vague de froid ». Est-ce que vous vous attendiez au succès de cet album?
Non, je ne m’y attendais pas du tout. Évidemment, on ne se lance pas dans un album de 250 pages en se disant qu’on va se planter. Mais je ne pensais pas que ça marcherait à ce point. Le prix Fnac Belgique puis le prix Rossel ont été la consécration. Sans oublier un troisième prix obtenu à Angers. On a beau dire qu’on s’en fout, ce n’est pas vrai. En plus, « Vague de froid » se vend mieux que prévu. Moi j’avais en tête 5.000 ventes et là, on approche des 9.000 exemplaires. En plus, il continue à bien se vendre, d’autant plus que « Le grand large » va sans doute un peu le relancer. J’ai d’ailleurs pas mal de lecteurs qui me présentent les deux albums lors des séances de dédicaces.
Vous vous attendez à quel accueil pour « Le grand large »?
J’avoue que je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre. Les ventes, c’est toujours un peu une loterie. Je savais que « Vague de froid » allait trouver son public parce qu’il y a hélas beaucoup de gens qui ont vécu la tragédie de perdre un enfant. Mais pour « Le grand large », c’est moins évident, car c’est avant tout un roman d’aventures, même si on peut y voir une lecture plus écologique et plus critique de la société. Ce qui m’a fait plaisir, c’est que certains adultes sont venus me trouver en me disant qu’ils avaient apprécié « Le grand large » parce que cela avait été une épreuve pour eux aussi de voir partir leurs enfants. Pour être honnête, je n’avais pas du tout prévu cette réaction.
Est-ce que le succès de « Vague de froid » a changé quelque chose à votre manière de travailler?
Oui, clairement. Pour « Le grand large », je me suis davantage amusé en termes de réalisation et d’écriture de l’album. Pour « Vague de froid », je voulais à tout prix représenter correctement mon frère, de même que la Norvège, qui est un pays que j’aime beaucoup, ainsi que la mythologie nordique. Je ne pouvais pas me tromper, ce qui signifie qu’il y avait forcément plus de contraintes. Dans le cas de ce deuxième album, c’était tout à fait différent. Et c’est ce qui m’a plu. Il m’a permis de changer d’air. Cet album-ci se rapproche davantage d’une BD traditionnelle dans ses codes, ses onomatopées, et son côté aventure, avec un peu de bagarre par-dessus. Mais par contre, il n’a pas la fin fleur bleue qu’il y a dans beaucoup de bouquins. Ça, je voulais l’éviter à tout prix.
Vous travaillez déjà sur un nouveau projet?
Oui, absolument. Ce sera à nouveau un roman graphique d’environ 200 pages, et il paraîtra aux éditions Le Lombard. Il abordera un sujet un peu plus sensible, avec une histoire qui sera drastiquement différente. Il s’agira d’un huis clos aquatique inspiré par ce que j’ai vécu avec mes grands-parents pendant trois jours lorsque nous avons été confrontés aux inondations de juillet 2021. Se retrouver piégé dans une maison avec l’eau qui monte, c’était compliqué. Mais bizarrement, j’en garde un bon souvenir, ce qui m’a permis de me lancer dans ce nouveau projet.
Est-ce qu’il s’agira d’un récit réaliste?
Oui, plus réaliste que « Le grand large », mais avec quand même des éléments métaphoriques dedans. C’est l’histoire d’une dame qui retourne chez ses parents le week-end pour manger avec eux, et qui se retrouve bloquée par la montée très rapide des eaux. C’est d’ailleurs comme ça que les choses se sont passées pour de vrai puisqu’en 3 heures, il y a eu 1 mètre d’eau dans la maison, puis 1 mètre 80. Dans mon récit, cette femme se retrouve donc piégée chez ses parents. Mais comme elle a par ailleurs un compagnon très compliqué, très toxique, tant sur le plan physique que psychologique, elle veut absolument rentrer chez elle. Ses parents, qui sont plus âgés, se retrouvent submergés par toutes ces infos, à l’image de l’eau qui monte. C’est une histoire triste, mais qui finit bien, un peu comme « Vague de froid ». Il s’agira d’une BD encore plus personnelle, puisque je vais y représenter la maison de mes grands-parents. Je vais également dessiner la rue où ils habitent, sauf que je vais enlever les maisons sur le côté pour donner l’impression qu’il n’y a qu’une seule maison. J’ai vraiment hâte de m’y mettre.
Jusqu’à présent, vous travaillez toujours en solo. Est-ce que ça vous dirait de vous associer un jour avec un autre auteur, que ce soit un dessinateur ou un scénariste?
Oui, ça me plairait beaucoup d’être scénariste. Par contre, illustrer une bande dessinée écrite par quelqu’un d’autre, ça ne me tente pas du tout. J’ai déjà reçu des belles propositions de scénarios à illustrer, mais impossible pour moi d’accepter, même si ça me fait toujours un peu mal au cœur de refuser. Je me vois bien écrire pour d’autres gens, par contre. D’ailleurs, j’ai commencé à écrire un scénario pour Amandine Foccroulle, une jeune dessinatrice qui a fait de l’illustration avant et qui a remporté le prix Quai des Bulles à Saint-Malo cette année. Travailler avec elle me plaît beaucoup parce que c’est très différent de ce que j’ai fait jusqu’ici. En plus, Amandine est la fille de ma collègue d’atelier Annick Masson et j’ai également eu son papa comme professeur à Saint-Luc. Je vais lui écrire un scénario qui sera encore un huis-clos. Il s’agira d’une histoire avec une vieille dame qui se fait cambrioler et qui se lie d’amitié avec le voleur. Elle finit d’ailleurs par passer une excellente soirée avec lui. C’est une histoire qui me plaît beaucoup, mais que je n’avais pas envie de dessiner moi-même. Je l’ai donc écrite pour quelqu’un d’autre. Cela dit, je ne me vois pas encore comme un vrai scénariste. Pour l’instant, je suis davantage un conteur d’histoires.
Vous avez toujours été passionné par les histoires?
Pas du tout. Je n’ai d’ailleurs pas lu beaucoup de romans, mis à part ceux qu’on doit lire à l’école. Récemment, j’ai lu le livre « Incisives » de Caroline Wlomainck, une autrice belge que j’ai rencontré lors d’une séance de dédicaces. J’ai adoré, parce que c’est un recueil de nouvelles. J’aime bien ce format, parce qu’on rentre plus vite dedans. C’est ce qui me plaît aussi dans la BD: on peut y faire 250 pages avec une histoire qui tient en trois lignes. On peut jouer avec les silences, les regards, les mains. Les mots ont parfois plus de portée, mais l’image permet de faire beaucoup de choses. Ce qui est certain, c’est que je ne suis pas assez doué avec les mots que pour en écrire sur des centaines de pages.
Et une fois que vous commencez à dessiner, est-ce que votre scénario évolue encore beaucoup? Ou est-ce que vous vous tenez à ce que vous aviez écrit?
L’histoire peut encore évoluer un peu, mais pas beaucoup. J’écris plutôt mon scénario comme un script de cinéma, en précisant le contexte et les dialogues, mais sans faire de découpage case par case. C’est aussi pour ça que j’ai peur de travailler avec d’autres scénaristes, parce cette partie où on crée les séquences est l’un de mes principaux plaisirs dans la bande dessinée. Ensuite, entre le découpage et l’encrage, il y a parfois des cases qui changent encore. On se rend compte qu’un regard ne fonctionne pas ou que le rythme n’est pas bon, par exemple. Pour « Le grand large », j’ai rajouté deux pages quand j’étais déjà en train de travailler la couleur. C’est mon éditeur qui m’a conseillé de les insérer pour ralentir la séquence. Pour « Vague de froid », ça a été l’inverse. A un moment donné, j’ai enlevé une séquence d’une dizaine de pages, parce que ça ne marchait pas au niveau des dialogues. En réalité, quand on a une grosse hésitation sur une séquence, cela veut généralement dire qu’il vaut mieux l’enlever.