Livres Agités - août 2023 - 280 pages
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" J'écris pour emballer mes tourments dans un corps de papier et mettre des mots sur une histoire qui en a manqué. "Un jour alors qu'elle rentre chez elle, Naëlle descend par erreur au métro Belleville. Elle déambule et ses pas la mènent devant son ancienne cité HLM de la rue Piat, là où elle habitait enfant. Elle retrouve le Belleville de son enfance, malgré les années passées, malgré les changements et les séismes que sa vie a connu depuis. Elle se remémore les personnages qui ont peuplé son enfance, dans les années 90 - Grand-maman et cette ribambelle d'enfants métissés, Raphaël, Gaby, Georgia et elle-même - " quatre mômes de quatre couleurs et quatre pères différents. " Il y a ses oncles, Le Blond et Le Brun. Sa mère, Jeanne, aussi blonde que Naëlle est brune.
La semaine, les enfants vivaient chez Grand-maman à Belleville, le weekend chez leur mère Jeanne, dans l'Est parisien, porte de Montreuil. Toute son enfance, Naëlle navigue entre ces deux pôles ; entre deux femmes et deux maisons très différentes - chez Grand-maman, ce sont les cols claudine, l'ordre et la bienséance, chez Jeanne, c'est la vie de bohème, les dîners sans électricité, la télévision à toute heure, la vie en roue libre.
Un quotidien sur lequel planent la menace de la DDAS, l'absence du père - elle se console en l'inventant -, la pauvreté dont elle n'a pas encore conscience, le mépris des uns et l'incompréhension des autres, grandissant. Dans sa famille, on ne parle pas des malheurs - jamais, ô grand jamais - les drames sont tus, passés sous silence, glissés sous le tapis. Devenant une adolescente, puis une jeune femme, Naëlle prend conscience de ce silence qu'elle a reçu en héritage et qui pèse sur ses épaules.
Dès l'incipit, je me suis laissée emporter par les mots de Nadège Erika - c'est une écriture fluide, presque douce, qui tranche avec la dureté de l'enfance de Naëlle, puis avec le drame qui va s'abattre sur elle. C'est une écriture qui m'a saisie, dénuée de tout mélo et de tout pathos. Il y a une justesse de ton qui saisit à la gorge, qui la noue. Mon Petit est un roman que j'ai lu d'une traite, et que j'ai terminé en larmes. Un premier roman terriblement attachant et bouleversant, sur la résilience. Un roman où le désespoir aurait pu tout emporter comme un raz de marée mais où c'est la rage de vivre qui finit par s'imposer.
" J'étais sidérée, j'ignorais encore à quel point j'allais mourir de cela ma vie entière. Je me détestais de brutaliser ainsi ma mère en bas de cet escalier 12 où nous avions manqué de tout, c'est vrai, sauf de vie et d'espoir. "