A vicious circle : cercle de violence à travers le temps

vicious circle cercle violence travers temps
 Lee Bermejo, dessinateur fantastique au trait hyperréaliste, est un des invités d'honneur d'Urban Comics au Festival de la BD d'Angoulême 2024. Raison supplémentaire pour lui consacrer de jolis albums, d'autant plus qu'il est furieusement d'actualité. C'est ainsi que nous découvrons, dans un grand format magnifique, le premier volume d'une nouvelle série éditée en Amérique chez Boom studios, en collaboration avec le scénariste Mattson Tomlin, que nous avons vu notamment (et vous verrons encore) au scénario du Batman de Matt Reeves. C'est une histoire cruelle, sanglante et complexe qui nous est raconté. Les deux personnages principaux sont antagonistes au possible, ils se détestent et se livre une course-poursuite à travers les méandres du temps : à chaque fois qu'ils aboutissent dans une nouvelle époque, peu importe quand et où, dès l'instant où il font couler le sang et assassinent quelqu'un, ils sont projetés tous les deux, instantanément, à un autre moment de l'histoire. Seulement voilà il y a une différence de taille entre ces deux ennemis. L'histoire commence d'ailleurs dans le sud profond de l'Amérique, alors que le pays doit gérer les conséquences des lois Jim Crow, qui imposaient la ségrégation raciale dans le sud des États-Unis. Shawn Thacker est noir et il subit le racisme au quotidien, lui, sa femme et son jeune fils. Il s'occupe aussi de garder un terrible secret dont seule son épouse est au courant. Au fond de la cave familiale, derrière deux portes cadenassées, on découvre un prisonnier enchaîné, un certain Ferris, dont nous parlions un peu plus haut, sans le nommer. Le fiston a pour sa part la défense absolue d'aller faire un tour en bas des escaliers. Forcément, ce genre de scène ne peut être le prélude qu'à une évasion, tôt ou tard… 
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Le cercle vicieux du titre, c'est bien entendu aussi celui de la violence, qui ne résout aucun problème mais qui au contraire a tendance à engendrer une nouvelle forme de violence, dans la surenchère. On devine que les deux antagonistes ne sont pas des enfants de chœur, mais on ignore pour l'instant les raisons fondamentales pour lesquelles ils sont prêts à se déchirer de la sorte. Tomlin parvient à nous faire ressentir la perte incroyable qu'éprouve Thacker : en quelques cases, il nous explique que cela fait des années qu'il était inséré dans la même époque et qu'il avait eu le temps de fonder une famille, donc d'espérer une vie enfin à sa mesure. Tout bascule en quelques pages et d'ailleurs les nombreux sauts temporels successifs se résument parfois à une seule vignette. Lee Bermejo est non seulement un dessinateur capable de rendre des planches quasi photographiques, tant elles sont spectaculaires au niveau des détails, mais en plus, il essaie ici de varier son style au maximum. Chaque époque traversée, même très brièvement, constitue un hommage ou une adaptation intelligente du savoir faire d'un grand artiste des comic books. Une histoire très intrigante et même par endroits haletante, et du Bermejo au sommet de sa forme… bref, il y a tout de même de très bonnes raisons pour acquérir cet album, qui sera disponible également à Angoulême, pour ceux qui auront la chance de se le faire dédicacer par le dessinateur en personne, sans oublier Mattson Tomlin, qui sera aussi de la partie. Un des moments forts pour tous les amateurs de bd américaines. 

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