Réaliser son rêve, ou le détruire ? Loin, très loin, un monde solitaire plongé dans les ténèbres s’efface peu à peu, dévoré par un arbre couvert d’épines, ne laissant aucune trace derrière lui. Ailleurs, une rêveuse perd le contact avec son dieu qu’elle entend pleurer chaque nuit, hantée par un hiver éternel qui menace de fondre sur son royaume. À Mahéra, Filius, un éminent scientifique, construit un instrument lui permettant de se rendre en chair et en os dans les mondes qu’il voit dans ses rêves, et réunit une compagnie autour de lui afin d’explorer ces univers. Partout, de tout temps, des Oniromanciennes édictent une prophétie depuis des milliards d’années, un message perdu puis retrouvé qu’elles se transmettent entre elles, annonçant la plus grande des menaces : le Rêve se meurt, et il entraînera avec lui la fin de tous les mondes.
Pourquoi ce livre ? J’ai découvert cette autrice grâce à deux amies qui m’ont entraînée à une rencontre organisée dans un bar de Rennes. Après Le Phare au corbeau, c’est presque par hasard que j’ai découvert Midnight city, ce livre voyageur. Et puis j’en ai lu d’autres, et puis je me suis décidée à tous les acheter pour tous les lire. Car en plus d’être très bien écrits, les romans de Rozenn Illiano sont des petits bijoux d’édition.
D’Hiver et D’Ombres fut un véritable coup de cœur et je l’ai senti dès les premières pages. Seule la fin pouvait changer la donne et faire que cela serait une excellente lecture.
En premier lieu, j’ai adoré les personnages. Malgré un début assez mystérieux et mouvementé à son sujet, sa quête liée au Rêve et son désir de fonder une guilde réunissant d’autres voyageurs m’a tout de suite attirée. Mieux encore, les personnalités variées qui y sont rassemblées et les liens très étroits qui se tissent entre eux cinq auraient pu constituer un coup de cœur en eux-mêmes. Cela fait très longtemps que je n’ai pas eu le sentiment de retrouver une famille dont j’aimerais faire partie, en ouvrant un bouquin. Seule l’évolution de Jacob m’a profondément inquiétée, je craignais énormément que son obsession l’entraîne trop loin de ses amis. J’ai également beaucoup aimé la gentillesse toute paternelle de Goran et la jeunesse rafraîchissante de Rosalie.
L’intrigue était faite pour moi. J’adore tout ce qui touche aux rêves de façon générale. Ici, la complexité des éléments sur plusieurs strates (décrire davantage serait dévoiler trop de choses, ce qui dénaturerait la découverte) m’ont rappelé les histoires réalisées par Christopher Nolan, si bien que je ne pouvais qu’adhérer. Je me suis d’ailleurs fait berner en beauté sur ce point, car je ne m’attendais pas à cette grosse révélation. La lecture se découpe en plusieurs rythmes. La découverte est assez lente, Rozenn a décidé de prendre le temps de dépeindre ses personnages et son univers, ce qui laisse largement le temps de se familiariser au caractère de chacun et aux spécificités de l’onirolabe. Au fur et à mesure que les Ombres se rapprochent et que le piège se referme sur le groupe, le rythme s’accélère : on sent parfaitement la tension poindre et enfler, jusqu’à éclater. De mon côté, j’ai apprécié chaque phase avec le même plaisir.
“Le début est la fin, la fin est le début.” Voilà une phrase qui me revient sans cesse en tête depuis que j’ai vu la série Dark. Voilà ce à quoi j’ai pensé en lisant D’Hiver et d’Ombres. Si les deux tiers du roman se lisent avec fluidité, j’ai eu un peu plus de mal à comprendre les notions de la fin autour de cette fameuse graine. C’est pour cette raison que cette lecture n’aura pas eu le sacre parfait avec un 20/20. Je ne pense pas que ce soit volontairement nébuleux : l’autrice a très bien écrit les différentes phases, les différents dogmes… Je pense qu’on rejoint là encore une histoire à la Nolan : il faut relire le roman pour tout comprendre à sa pleine valeur. Dans tous les cas j’ai aimé la fin concernant notre groupe de voyageurs, qui sonne juste et pleine d’espoir.
La plume de Rozenn Illiano est magnifique. Douce, fluide, je plonge toujours avec quelques frissons dans son univers grâce à son style onirique et mélancolique. Je suis à chaque fois surprise que ce soit rédigé au présent, ce que j’apprécie moins en général, pourtant ici ça ne me gêne pas du tout tant c’est superbement bien écrit !
Un coup de cœur qui passe à un cheveu du parfait. Cette plume toujours aussi douce nous plonge dans le monde du Rêve, d’abord calme puis très tempétueux. Les relations sont magnifiques, les personnages sont nombreux et bien développés, la fin est plus corsée mais pleine d’espoir. C’est une lecture parfaite en hiver au coin de l’âtre. En tout cas je vous conseille ce one shot !
19/20