Tous ceux qui ont déjà vécu à l'étranger vous le confirmeront, il faut une période d'adaptation lorsqu'on découvre un monde radicalement nouveau. C'est d'autant plus vrai lorsque vous êtes jeunes et que vous débarquez à Tokyo, dans la capitale japonaise, ou tout est absolument différent, de la langue au style de vie, en passant par l'architecture. Il faut dire que Nahel a une très bonne raison pour tenter sa chance au pays du soleil levant : son rêve, c'est de devenir un mangaka. Il débarque donc dans le quartier de Akihabara, qui est un peu le paradis pour tous les otakus, là où il a loué une simple chambre. Le logement appartient à un vieil homme qui possède une boutique de matériel électronique au rez-de-chaussée. De prime abord, le vieillard (un certain Mirai) a l'air très sympathique et il propose même de réparer le téléphone de Nahel. Le problème, c'est que les informations qu'il lui donne ne sont pas tout à fait correctes. Non, Nahel n'est pas le seul habitant de l'immeuble, comme annoncé, puisqu'au soir il perçoit le chant d'une jeune fille, qu'il parvient même à observer en regardant discrètement par un interstice dans le mur de la pièce. Pas de chance pour notre héros, il est instantanément "grillé" par celle qu'il épie et qui se trouve en fauteuil roulant. Honteux et bien décidé à oublier cette mésaventure, le jeune homme réussit à s'endormir mais au petit matin, toute son existence bascule d'une manière totalement inattendue. De chronique d'un expatrié au rêve artistique, nous basculons dans un thriller, une enquête à suspense.
Venu récupéré son téléphone, Nahel découvre Mirai gisant au sol, victime d'une agression sauvage, vraisemblablement dans l'espoir de lui soutirer des informations. Le fauteuil roulant de celle qui est censée être sa petite file est vide. Un enlèvement ? Mirai a juste le temps de tendre une clé à son jeune locataire, qui va donc devoir prendre soin (retrouver, pour commencer) celle qui a disparu. Et il va devoir faire vite, car des individus arrivent à l'impromptu et le prennent en chasse. Il est sauvé par une autre jeune fille, qui l'amène dans une sorte de café restaurant, dont le propriétaire est également… détective privé ! Une double activité assez singulière, pour un personnage haut en couleurs, qui va devenir dès lors le point d'ancrage décisif pour Nahel. Cécile et Olivier, les deux membres qui composent l'Atelier Sentô, s'en donnent à cœur joie pour exprimer leur amour de la culture nipponne et nous le faire partager. Des repérages ont été exécutés par le passé, tout un tas de notes et de croquis, qui aident à reconstituer le vivier bouillonnant de sève et d'énergie que peut être le Japon, dans ses quartiers et ses recoins les plus modernes ou branchés. Le dessin est une synthèse admirable de différentes inspirations, un télescopage réussi de la bande dessinée européenne subtilement infusée dans un décor oriental de manga. On est encore plus bluffés par la mise en couleurs, qui use de bleus néons et de belles notes jaunes orangées pour faire éclater la lumière au centre des vignettes, assez souvent. C'est vraiment joli et les lecteurs de l'hebdomadaire Spirou ont eu (ils ont toujours, c'est en cours) les joies de la prépublication de ce premier tome en épisodes. On espère qu'il sera suivi par d'autres, tant cette série à de cartes en main pour s'imposer et conquérir un public fourni. Publiée chez Dupuis.