Tiffany McDaniel – Betty ****

Par Laure F. @LFolavril

Gallmeister – 2020 – 720 pages

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Betty Carpenter est née dans une baignoire à pieds de griffon dans l’Arkansas, d’une mère blanche et d’un père cherokee – sixième enfant d’une fratrie de huit enfants. Ils vivent en marge, voyagent d’un État à l’autre. Et puis quand Betty a sept ans, ils finissent par retourner vivre dans l’Ohio, à Breathed, petite bourgade qu’ils ont quittée précipitamment il y a plus de vingt ans. Ils emménagent dans une maison toute délabrée qui serait maudite… La famille qui l’habitait a disparu un jour, ne laissant que des impacts de balles dans les murs.

Que ce soit à l’école ou au sein de sa propre famille, Betty découvre les différents visages de la violence. Elle découvre un monde dans lequel devenir une femme signifie être une proie. Pour affronter ce monde, l’enfant écrit ses douleurs, celles de ses sœurs et de sa mère et les enfouit sous la terre.

Comme je l’ai aimée, Betty… Elle m’a émue et marquée comme rarement un personnage l’a fait. La Petite Indienne, qui aime écrire des histoires sur tout ce qui lui tombe sous la main et passer du temps avec son père dans la nature ; il lui apprend le pouvoir des plantes et la nourrit de contes de son invention et de légendes cherokees. Il fabrique de l’alcool grâce à son alambique, sculpte le bois comme personne. Sa mère, quant à elle, oscille entre ombre et lumière, porteuse d’un passé torturé. Et puis il y a Fraya et ses démons. Trustin et ses ailes de feuilles séchées. Lint, qui sent des animaux sous sa peau et collectionne les cailloux. Flossie qui rêve de devenir actrice.

Le personnage du père va me hanter longtemps – ce père qui métamorphose ses douleurs en contes, ses souvenirs en légendes, qui transforme le monde pour le rendre acceptable. Ce père avec un cœur en verre et un oiseau à l’intérieur.

Betty est un roman qui m’a heurtée, secouée, révoltée, fascinée… Un roman qui m’a happée – corps et âme – et que j’ai lu en apnée, éblouie par l’écriture de Tiffany McDaniel, flamboyante. 700 pages et chaque mot qui compte, pas une seule longueur – c’est dense et puissant. Une force et une lumière incroyable se dégage de ces pages, malgré l’horreur. L’autrice nous raconte l’enfance ravie, l’innocence perdue. C’est la vérité qui écorche, quand le diable se cache dans sa propre famille. Tiffany McDaniel déploie un talent fou de conteuse pour exprimer la douleur de grandir, l’apprentissage de la perte – de ceux qu’on aime.

Inoubliable