Éditions Le livre de poche, 2021 (318 pages)
Ma note : 14/20Quatrième de couverture ...
Hercule, le héros grec, avait accompli douze travaux. Cependant, ce n'est pas de lui qu'il s'agit ici, mais tout bonnement d'Hercule Poirot, l'homme aux prodigieuses "petites cellules grises". Douze nouvelles, douze mystères brillamment élucidés.La première phrase
" Pour son appartement, Hercule Poirot avait fait choix d'un mobilier ultramoderne. Le chrome y étincelait partout. Quoique confortablement rembourrés, les fauteuils imposaient sans compromis la rigueur de leurs lignes anguleuses. "
Mon avis ...
À l'heure de la retraite, notre détective belge à moustaches n'en a pas fini avec le crime et les mystères. Avant de s'adonner à un nouveau passe-temps, la culture de courges, le voici donc qui s'attelle à un défi de taille : résoudre douze enquêtes en lien avec les travaux de son homonyme grec. Car ne se nomme pas Hercule qui veut ! Poirot en est persuadé : son talent et ses petites cellules grises peuvent tout à fait rivaliser avec les capacités d'un demi-dieu !
La Reine du crime signe ici un recueil de douze nouvelles qui empruntent leur titre aux mythiques travaux d'Hercule : Le lion de Némée ; L'hydre de Lerne ; La biche aux pieds d'airain ; Le sanglier d'Erymanthe ; Les écuries d'Augias ; Les oiseaux du lac Stymphale ; Le taureau de l'île de Crète ; Les chevaux de Diomède ; La ceinture d'Hippolyte ; Les troupeaux de Géryon ; Les pommes d'or du jardin des Hespérides et enfin, La capture de Cerbère.
Que le lecteur se rassure, nous sommes bien en Angleterre. Le lion de Némée se retrouve transformé en... pékinois (!) tandis que La biche aux pieds d'airain prend ici les traits d'une danseuse étoile russe. Agatha Christie s'amuse, casse les codes, et cela fonctionne.
Hercule Poirot se montre en grande forme. Chantage, drogue, disparition d'un chien, gourou d'une secte, secret familial ou encore vol d'un tableau : le cocktail est très varié. Les affaires semblent au premier abord indignes de notre célèbre détective, mais la petite touche d'humour ainsi que tout le travail apporté à la dimension symbolique font que l'on s'y consacre avec plaisir.
J'ai été ravie de retrouver l'efficacité de miss Lemon et le côté bourru de l'inspecteur Japp. Et surprise, Vera Rossakoff (aperçue dans Un indice de trop puis dans Les quatre) est également de la partie. Les retrouvailles, vingt ans plus tard, entre notre héros et la comtesse russe se montrent pour le moins étonnantes.
Cette lecture fut donc une bonne pioche même si, et c'est tout le problème du format nouvelles, certains récits sont plus captivants que d'autres. Mes nouvelles préférées sont ici Le sanglier d'Erymanthe, Les oiseaux du lac Stymphale et La capture de Cerbère.
Le sanglier d'ErymantheDirection la Suisse où Poirot se retrouve à enquêter dans un hôtel situé en altitude. Un certain Marrauscaud, bandit aux mœurs sanguinolentes (décrit comme un "sanglier furieux") y logerait incognito sous une fausse identité. À notre détective de le débusquer et ce, afin d'aider les forces de l'ordre. J'ai littéralement été scotchée par les péripéties, puis les révélations, de cette nouvelle. Agatha Christie nous mène de fausse piste en fausse piste, et c'est absolument délicieux.
Les oiseaux du lac StymphaleSous le charme d'Elsie Clayton, une jeune femme résidant dans le même hôtel que lui, Harold Waring se méfie comme de la peste de deux inquiétantes Polonaises qui semblent épier tous ses faits et gestes. Une agression et un mort plus tard, Hercule Poirot entre en scène... Comme d'habitude, Dame Agatha nous mène par le bout du nez. J'ai aimé ce récit pour son atmosphère angoissante et le mystère qui entoure ces deux sœurs au physique d'oiseaux de proie.
La capture de CerbèreRendez-vous "en Enfer" annonce la comtesse Rossakoff lorsqu'elle croise Poirot dans les escaliers du métro de Londres. Pour une fois, notre héros en reste coi. Heureusement, miss Lemon connaît les lieux branchés londoniens comme sa poche (même si le lecteur se doute qu'elle ne les fréquente pas). Poirot se retrouve donc dans un restaurant où se réunit une jet-set triée sur le volet. Une espèce de molosse semble d'ailleurs filtrer les entrées ! J'ai été surprise par cette proposition d'Agatha Christie qui sort des sentiers battus : jamais je n'aurais imaginé Poirot prendre le métro (comme quoi !). J'ai apprécié ce petit vent de nouveauté, et comme d'habitude je n'avais rien vu venir quant aux éléments de l'enquête...
Les travaux d'Hercule fut une lecture récréative et réconfortante (les romans d'Agatha Christie ont toujours eu cet effet sur moi). Si l'ensemble se montre inégal, certaines enquêtes restent marquantes tandis que notre détective belge parvient à nous surprendre.
Extraits ...
" - Du neuf et de l'intéressant, ce matin, miss Lemon ? demanda Poirot en pénétrant dans son bureau le lendemain.
Il avait en miss Lemon une confiance aveugle. Dépourvue d'imagination, elle possédait en revanche un instinct très sûr. Ce qu'elle jugeait digne d'attention méritait, en général, qu'on l'examinât de près. C'était une secrétaire-née.
- Pas grand chose, monsieur Poirot, répondit-elle. Juste une lettre, peut-être, qui pourrait vous intéresser. Je l'ai mise sur le dessus de la pile.
- Tiens, tiens ! De quoi s'agit-il ?
- D'un homme qui souhaiterait que vous enquêtiez sur la disparition du pékinois de sa femme.
Poirot qui, tout émoustillé, se dirigeait vers sa corbeille de courrier, en resta le pied en l'air. "