Résumé :Épopée romanesque d’une incroyable intensité, chronique poignante de l’amitié masculine contemporaine, Une vie comme les autres interroge de manière saisissante nos dispositions à l’empathie et l’endurance de chacun à la souffrance, la sienne propre comme celle d’autrui.On y suit sur quelques dizaines d'années quatre amis de fac venus conquérir New York. Willem, l’acteur à la beauté ravageuse et ami indéfectible, JB, l’artiste peintre aussi ambitieux et talentueux qu’il peut être cruel, Malcolm, l’architecte qui attend son heure dans un prestigieux cabinet new-yorkais, et surtout Jude, le plus mystérieux d’entre eux. Au fil des années, il s’affirme comme le soleil noir de leur quatuor, celui autour duquel les relations s’approfondissent et se compliquent, cependant que leurs vies professionnelles et sociales prennent de l’ampleur.
Mon avis :
TW = violences et agressions physiques et psychologiques / violences et abus entre partenaires intimes ; violences et agressions sexuelles ; pédocriminalité ; deuil ; scarifications ; pensées suicidaires / tentative de suicide explicite.C’est un roman à la fois d’une grande beauté et d’une grande cruauté. C’est un roman d’amitié. C’est un roman d’amour. C’est un roman de confiance. C’est un roman difficile à recommander tant il est redoutable par la brutalité de ce qu’il propose de vivre au lecteur. Malgré tout, je souhaite à toutes et à tous l’occasion de rencontrer le personnage de Jude, ce soleil noir qui touche tous ceux et celles qui le croisent.
Un personnage construit avec un soin qui le rend palpable, qui le rend tangible.
Jude, c’est un personnage auquel on s’attache au-delà du possible. C’est un personnage qui nous fend le cœur, par sa générosité, par sa bienveillance, par son intelligence et par son humilité.
Sous couvert de vie ordinaire, l’autrice nous raconte sa vie par le regard de ceux et celles dont il est l’ami. Aucun doute n’est laissé, des indices sont distillés : le drame couve dans le passé du jeune homme. Alors, dans un premier temps, on avance dans l’histoire pour en savoir plus sur lui, pour le connaître, pour le comprendre parce qu’on est intrigué par son côté mystérieux, ses silences. Ensuite, on avance pour mesurer le drame, mesurer l’horreur pour le soutenir, l’aimer encore plus fort et lui donner envie de s’aimer à la valeur qu’il mérite. Et finalement, on avance pour le voir heureux.
Autour de lui gravite un panel de personnages qui tour à tour nous ressemblent, ou alors nous débectent. Le point commun (et qu’on partage avec eux) ? Ils aiment tous sincèrement Jude. Chacun à leur manière, bataille dans les hauts et les bas de la vie. Chacun fait la démonstration d’une transfiguration sociale. Chacun présente des fêlures, des doutes, même au summum de la réussite, et de ce fait, nous montre que l’argent n’est pas une fin, jamais.
C’est une lecture intime qui émerge dans une tourmente de sensations.
Beaucoup parlent d’empathie, j’ai l’impression que cette lecture va plus loin. Elle connecte le lecteur aux personnages de manière transcendante.
C’est un livre qui connecte à l’humain. C’est un livre qui connecte à la société.
Certains lecteurs parlent de trauma Porn, et leur manière d’avancer cette figuration donnent tout voir de leur classisme. Cette manière de penser que les drames ne s’additionnent pas, ou alors de décider qu’à un moment c’est trop, c’est d’une grande brutalité sociale. Ceux qui parlent de misérabilisme ne se sont pas connectés à Jude. Ils se sont mis en retrait, certainement pour se protéger, et cette distance entraîne un jugement qui va à l’encontre même du message d’humanité de ce livre.
L’autrice nous propose un roman d’émotions fortes difficilement recommandable, qui ne laissera personne indifférent. Un roman que je ne vous recommande pas si vous êtes dans une zone de vulnérabilité. Une œuvre immersive magistrale dont la construction est d’une intelligence fine.
Rarement, une temporalité éclatée n’a aussi bien été pensée. C’est fin, c’est intelligent, c’est puissant et pourtant, c’est raconté avec une simplicité titanesque.
Au plaisir.
Aux survivantes : On vous croit. Toujours. #MeToo.
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