Après plusieurs mois de lectures, d'écoutes et de visionnage, nous revenons aujourd'hui avec un article proposant une sélection non exhaustive de ressources permettant de mieux saisir ce qui se joue en Palestine. PARTIE 1
J'évoquerai ici mes récents visionnages, lectures et écoutes. Des essais à la BD en passant par la littérature et la poésie. Autant de ressources permettant, à mon sens, de mieux saisir ce qui se joue en Palestine mais aussi la réception qui est faites des évènements récents en France.
Mon objectif était clairement de varier les supports afin que tout le monde puisse y trouver son compte. Cet article sera divisé en plusieurs parties pour éviter d'être trop indigeste. Ici vous lisez donc la partie une de ce " dossier " que je tente de réaliser.
[N.B Entre le début et la fin de la rédaction de cet article, nous avons retrouvé un emploi. C'est une bonne chose mais évidemment étant donné que nous travaillons dans le milieu du livre, cela aura un impact sur nos lectures puisqu'on ne lit pas toujours ce qu'on veut mais qu'on est pliés à l'actualité immédiate en matière de publications. La partie 2 de ce dossier risque donc de me prendre un certain temps et on en est les premières dégoutées. On espère que vous trouverez ici quelques ressources intéressantes malgré tout.]Ce que la Palestine apporte au monde - Collectif
Publié en mars 2023, cet ouvrage collectif regroupe des articles rédigés par plus de 90 personnes. Journalistes, intellectuel.les, chercheur.euses et artistes se rejoignent pour témoigner de Ce que la Palestine apporte au monde.
Cet, lu sous les conseils d'Ada, ouvrage permet de saisir la question de Palestine sous des angles très variés, sur des sujets très précis. De l'acte de création sur un territoire occupé à l'histoire de la colonisation progressive du territoire par l'état d'Israël en passant par les divers actes de résistance qui s'organisent sur ledit territoire, la revue brosse large. On y (re)découvre une Palestine colonisée mais en résistance, morcelée, oppressée mais dont les œuvres culturelles, dans leur plus grande variété, continue de rayonner.
Articles, entretiens, illustrations, la revue touche à tous les médiums pour nous livrer une Palestine plurielle et les participant.es à cet ouvrage collectif ne sont pas avares en références bibliographiques. De quoi approfondir le sujet pour celles et ceux à la recherche de nouvelles ressources.
Gaza 1956 : en marge de l'histoire - Joe Sacco
Entre novembre 2002 et mai 2003, Joe Sacco se rend dans la bande de Gaza pour un projet visant à évoquer un évènement " méconnu " de l'histoire du Moyen-orient : le massacre de Khan Younis, survenu le 3 novembre 1956. Dans sa seconde partie, cette bande dessinée évoque également le massacre de Rafah, survenu quelques jours à peine après celui de Khan Younis, le 12 novembre 1956. Ces deux évènements, " en marge de l'histoire " témoignent d'une rationalisation des violences, ces massacres dévoilant le mode opératoire de l'armée israélienne pour créer la peur parmi les réfugié.es.
Cette bande dessinée permet de mieux saisir la réalité de la vie des réfugié.es gazaouis mais aussi de rappeler, si cela était nécessaire, que les massacres durent depuis des décennies et que tout n'a pas commencé le 7 octobre 2023. Enfin, on y découvre également la Palestine telle qu'elle été administrée lors de l'occupation égyptienne. Le bédéiste n'hésite pas à nous téléporter brusquement de l'évocation du massacre par celles et ceux qui l'ont vécu aux coulisses des décisions politiques prises à l'échelle internationale. Il rappelle ainsi le lien de cause à effet entre les décisions prises au plus haut et le quotidien des Palestiniens. Des décisions qui ont, toujours, des répercussions tragiques.
Menant une véritable enquête de terrain accompagné d'Abed, un local respecté et écouté qui lui ouvrira nombre de portes, Joe Sacco nous donne une véritable leçon de bande dessinée documentaire. Oscillant entre 1956 tel que les témoins oculaires le lui racontent, et le quotidien de la bande de Gaza au début des années 2000 dans laquelle il évolue lui-même, le bédéiste recontextualise les évènements, rappelle l'aspect incertain de témoignages vieux de presque 50 ans. L'importance de ces témoignages n'en sort pas amoindrie, cela dit. Sur nombre de points centraux, les souvenirs traumatiques des uns, rejoignent ceux des autres. C'est en recoupant ces divers souvenirs que Sacco accouche de Gaza 1956 et redonne leur place à ces évènements bien trop souvent oubliés dans l'histoire du " conflit ".
2 épisodes du podcast Avis de tempête
Voilà une ressource accessible à toutes et tous qui peut faire office d'introduction à la question de Palestine. Le podcast évoque principalement la situation actuelle et remonte jusqu'à la première intifada en 1987. De quoi comprendre la situation actuelle, donner suffisamment de billes pour nourrir l'envie de s'informer toujours plus, le tout sans s'emmêler les pinceaux dans une multiplicité d'évènements parfois difficiles à saisir dans leur ensemble.
A l'heure où les médias (télévisés notamment) diffusent sans préambule les propos du propagandiste Daniel Hagari, porte-parole de l'armée israélienne, comme fait avérer, il est bon d'écouter d'autres voix. Dans l'épisode un, celles de personnes palestiniennes ayant vécu sous l'occupation ainsi qu'une des personnes à l'origine de la création des Carnets palestiniens. Dans l'épisode deux, celles de femmes juives et antisionistes membres du collectif Oy Gevaltet mais aussi les coordinatrices de l'ouvrage Antisionisme une histoire juive.
L'épisode un se nourrit donc principalement de récits personnels mais évoque également le lien étroit entre écocide et génocide, la destruction de l'environnement étant un moyen d'empêcher le retour des populations palestiniennes. Les intervenant.es soulignent la dépendance globale des territoires palestiniens à Israël, que ce soit une dépendance énergétique (coupures d'électricité, absence de réapprovisionnement en pétrole, etc.), alimentaire (Israël empêchant les Palestiniens de cultiver leurs terres, produire leur lait) mais évoque également la question du contrôle de l'eau. Un moyen de prendre conscience de ce qu'est réellement la vie sous l'occupation,en 1h15.
Le second épisode tente de mettre fin à l'amalgame entre antisionisme et antisémitisme. L'un s'opposant à une idéologie politique : le sionisme. L'autre étant une forme de racisme envers les personnes de confession juive. Les intervenantes soulignent l'existence d'une opposition envers le projet sioniste au sein même de la population israélienne, prenant notamment la forme des refuzniks, ces jeunes Israéliens antimilitaristes refusant de réaliser leur service militaire. Un épisode qui abat les clichés et évite à nos réflexions de tomber dans le manichéisme. De quoi rappeler qu' un autre discours existe en Israël aussi, même s'il reste largement minoritaire et totalement étouffé.
Enfin, de manière générale je vous conseille vraiment ce podcast pour la qualité de ses sujets et de ses intervenants mais aussi pour le réel effort sur le mixage, l'ambiance musicale et sonore qui rendent le tout très " agréable " (si on peut dire ça d'un podcast qui parle rarement de choses joyeuses...mais qui donne envie de tout casser, promis !) à écouter.
Comme un rêve à midi - Ghassan Zaqtan
[N.B : nous ne parlons habituellement jamais de poésie, c'est la première fois qu'on se prête à l'exercice, soyez indulgent.es, c'est dur de poser des mots sur de la poésie pour nous ! 🙏🏽]
Côté poésie on a eu envie de découvrir un ou une poétesse qui ne soit pas Mahmoud Darwich. Pas qu'on ait quoi que ce soit contre celui que d'aucuns surnomment " l'amant de la Palestine ", mais on avait envie d'aller au-delà du poète palestinien le plus connu... Même s'il s'avère que Ghassan Zaqtan n'est pas connu DE NOUS mais est loin d'être un " petit poète méconnu ", c'est juste qu'on découvre totalement la poésie palestinienne pour notre part !
Notre choix s'est immédiatement porté sur ce recueil, dont la quatrième de couverture (le poème Oreiller que nous vous partageons ensuite) a attiré notre attention. Le recueil est, justement, dédié à Mahmoud Darwich, preuve de l'influence du poète sur l'ensemble de la poésie palestinienne. Notre seul regret c'est, comme d'habitude, de ne pas comprendre la langue d'origine du poète alors que le recueil est en bilingue. Vous noterez que des lectures de certains de ces poèmes par l'auteur lui-même existent sur youtube, pour celles et ceux qui souhaiteraient apprécier la musicalité des poèmes en arabe, même en ne le comprenant pas.
Le recueil de Ghassan Zaqtan est traversé par les thématiques de l' absence, de la mort, de l' oubli et du silence. S'étant lui-même exilé une partie de sa vie, l'auteur oscille entre la Palestine et les territoires de l'exil pour créer le théâtre de sa poésie. Dans ce recueil, il évoque de manière plus ou moins métaphorique le quotidien des Palestiniens : soumis au couvre-feu, témoins de pluies d'obus devenues " lames brillantes [qui] tombaient sur les routes " emprisonnés à ciel ouvert avec pour seule échappatoire le territoire du rêve, privés d'avenir car personnages centraux d'une " histoire [...] qui se meurt à la ligne de départ ".
Mais ce qui me semble absolument marquant dans ce recueil, c'est la présence fantomatique des êtres chèrs disparus. La peur de l'oubli plane en permanence sur ces poèmes, les morts ont " la mine embrouillée ", " se promènent comme des statues inachevées ". Ces morts n'existent plus que dans les souvenirs des vivants, leurs visages s'effacent avec le temps qui passe, menacés par l'oubli.
Afin que vous puissiez goûter, vous aussi, la poésie de Ghassan Zaqtan, voici une petite sélection des poèmes que j'ai le plus appréciés :
Alam, le drapeau - Firas Khoury
Ce film offre une représentation de la vie de la jeunesse palestinienne en territoire israélien, réduits à l'état " d'Arabes d'Israël " comme le mentionne l'un des personnages du film.
Retranscrivant l'atmosphère générale d'un territoire sous occupation, Firas Khoury évoque tour à tour, la collaboration de Palestiniens au maintien de l'ordre par Israël, un système éducatif qui enseigne " l'histoire des vainqueurs " (niant les évènements tels qu'ils ont été vécus par les ancêtres des élèves présents dans la salle), la force symbolique d'un drapeau comme premier pas vers la résistance et la liberté ou encore les traumatismes du passé hérité de génération en génération. Mais ce film raconte aussi et surtout la banalité du quotidien d'une bande d'adolescents qui réalisent, progressivement, qu'ils n'auront d'autre choix que de lutter pour continuer à exister.
C'est un premier long-métrage et c'est un film perfectible. La romance en particulier, ne m'a pas toujours paru pertinente même si je comprends qu'elle est un pivot pour le jeune Tamer qui passe à l'action à la base purement et simplement pour impressionner sa camarade, Maysaa. Cela étant dit, j'ai particulièrement apprécié la nuance dans la représentation des préoccupations des personnages. Le rapport à la politique et au militantisme variant d'une personne à une autre. On retiendra quelques images puissantes renforcées par des plans fixes, de la scène de manifestation à l'olivier de l'oncle Najib en passant par la présence quasi incessante du drapeau israélien à l'écran, oppressant les personnages dans le cadre. Alors même si c'est perfectible, les représentations du quotidien des Palestiniens sont relativement rares. Il faut les encourager, les faire vivre.
Les articles appartenant à ce " dossier " c'est un peu notre manière à nous de continuer à faire vivre ce sujet à l'heure où les médias passent à autre chose. Alors, ce n'est absolument pas dans nos habitudes (les lecteur.ices les plus assidues pourront en témoigner) de faire ce genre de demande mais si vous avez un moyen quelconque de repartager cet article et de partager ces quelques ressources que nous avons glanées, n'hésitez pas à le faire. Que ce soit en l'envoyant directement à un proche en quête de ressources ou via les réseaux sociaux directement, tout compte.
Et puisque le meilleur moyen d'agir reste encore de soutenir financièrement (si vous le pouvez) les associations venant en aide aux réfugiés palestiniens, vous trouverez à la suite de cet article des liens vers des associations où faire des dons et un compte qui repartage les évènements à venir en France autour de cette actualité.
Des associations fiables auxquelles il est possible de faire des dons :
Enfin, les évènements et manifestations sont nombreux en France si vous souhaitez participer à une action, à une rencontre en librairie ou à une manifestation pour continuer à demander un cessez-le-feu immédiat à nos dirigeants.
Chaque semaine les Carnets palestiniens repartage les manifestations prévues sur l'ensemble de la France.
De son côté Urgence Palestine repartage également les manifestations et organise aussi d'autres évènements (conférences, rencontres, actions, etc.) en fonction des différentes branches locales.