Éditions Payot et Rivages, 2015 (523 pages)
Ma note : 14/20Quatrième de couverture ...
Après une longue absence, George Talboys rentre en Angleterre retrouver sa femme et son fils. Dévasté à l'annonce du décès de son épouse, il est conduit par son ami Robert Audley chez sa tante, la très belle lady Audley. Mais celle-ci refuse de le rencontrer. Peu de temps après, George disparaît mystérieusement... Effrayant et machiavélique, ce livre éblouissant paru en feuilleton en 1862 préfigure le roman policier et le thriller.La première phrase
" Par une avenue de tilleuls, bordée de prairies, on accédait à un terrain bas planté d'arbres séculaires et couvert de riches pâturages. "
Mon avis ...
Publié sous la forme d'un roman-feuilleton, Le secret de lady Audley (1862) fait partie de ces récits victoriens que l'on se plaît à déguster un soir de pluie. Un soupçon de mystère, une atmosphère gothique : sur le papier, cette intrigue disposait d'atouts pour me plaire. Des longueurs dans le déroulé du roman ainsi qu'un secret rapidement éventé font que je suis passée à côté du coup de cœur. Même si Wilkie Collins se montre supérieur à Mary Elizabeth Braddon, j'ai tout de même apprécié me plonger dans ce sombre récit avec une lady Audley aussi énigmatique que perturbante.
Château d'Audley, dans le comté d'Essex. Une arche ancienne, surmontée d'une vieille horloge, précède un étang, un puits quelque peu dissimulé et bien sûr une imposante bâtisse, rongée par le lierre. La nouvelle épouse de sir Michael Audley semble faire l'unanimité. Sa blondeur et ses traits angéliques charment le voisinage. Mais ses récentes et violentes sautes d'humeur inquiètent et questionnent. Lady Audley cacherait-elle un secret bien gardé ?
Nous voici ensuite à enquêter suite à la disparition subite et brutale d'un personnage clef. L'originalité du roman réside dans le fait que le lecteur devine rapidement une part essentielle de l'intrigue, et donc du fameux secret. Mary Elizabeth, en prenant son temps, nous décrit d'abord le crime (le lecteur a connaissance de l'identité du coupable) avant de questionner le mobile. Ce principe, sans doute novateur dans le registre du sensation novel (alors en vogue à l'époque), peut surprendre et séduire. J'ai pour ma part été un brin déçue tant je m'attendais à tout autre chose.
Les portraits psychologiques des personnages restent suffisamment fouillés et bien travaillés pour intéresser voire captiver le lecteur. J'ai par exemple aimé suivre l'évolution de Robert Audley. Présenté comme un gentleman flegmatique et indolent, cet avocat (qui n'en possède que le titre) réussit à nous surprendre tant il est prêt à soulever des montagnes pour retrouver la trace de George Talboys, son ami d'enfance. Puis il y a bien sûr lady Audley... en capacité de se montrer rusée et féroce alors même qu'en apparence elle semble frivole et peu futée.
Mary Elizabeth Braddon ne s'arrête pas là et nous dépeint la condition féminine de l'Angleterre, victorienne et corsetée, où seul le mariage était synonyme d'avenir. Si lady Audley compte sur sa beauté pour se faire une place au soleil, sa domestique (Phoebe Marks) en vient à accepter un mariage où seules les affaires financières d'une auberge suffiraient à assurer un semblant de bonheur. De son côté, Alicia Audley n'est guère mieux lotie. Elle ne peut s'autoriser qu'à rêvasser ou à se morfondre selon les attitudes de son cousin qui est bien loin de ressentir l'affection qu'elle lui porte.
Le secret de lady Audley fut une lecture distrayante. J'ai aimé ses personnages, ses descriptions de la nature ou encore son atmosphère gothique et ses révélations finales. Si je déplore des longueurs ainsi que des zones d'ombre qui restent en suspens, je retrouverai avec plaisir la plume de Mary Elizabeth Braddon si l'occasion se présente.
Extraits ...
" Une altération subite s'opéra sur le visage de Lady Audley ; la jolie teinte rosée s'évanouit de ses joues et les laissa blanches comme de la cire, et des étincelles de colère brillèrent dans ses yeux bleus.
- Que vous ai-je fait, Robert Audley, s'écria-t-elle irritée, pour me haïr ainsi ?
Il lui répondit avec beaucoup de gravité.
- J'avais un ami, Lady Audley, que j'aimais très profondément, et depuis que je l'ai perdu je crains que mes sentiments envers les autres ne se soient étrangement emplis d'amertume. "