Premières heures dans l'île pour la naufragée. (c) Casterman.
De la robinsonnade... (c) Casterman.
L'album se présente initialement comme une robinsonnade: l'urgence de se protéger, se nourrir, s'échapper... Il se révélera vite bien davantage, réflexion féministe sur le couple, le désir, l'amour. Appréciable, il comporte assez peu de texte, la narration étant souvent portée par les planches superbes aux merveilleuses couleurs. Annie, la soixantaine, échoue sur une île à la suite du violent naufrage du bateau de croisière sur lequel elle se trouvait avec Alain, son mari de longue date. Là, loin de tout, sans rien d'autre qu'une valise, la naufragée involontaire se retrouve seule. Une situation inédite pour elle. Qu'importe, elle tente de se débrouiller. Très vite apparaît toutefois un mystérieux jeune homme, plutôt joli garçon, quasi nu et muet. Moment-clé pour la sexagénaire.
... à l’introspection... (c) Casterman.
... et à un érotisme joyeux. (c) Casterman.
Marie Spénale.
L'idée était la robinsonnade. J'avais envie d’une île déserte pour mon personnage féminin. La question étant, est-elle contente de se retrouver seule? Quand l'histoire s'est déroulée, je me suis dit qu'il y avait sans doute quelqu'un d'autre sur l'île. Avec ce duo dans l'île déserte, la fantaisie est devenue sérieuse. J'avais aussi l'idée d'une histoire sur l'amour. Il est d'une certaine forme pour le mari. Un amour différent est-il une utopie? Que peut-il se passer avec le jeune garçon? Dans l'île, tous les repères habituels ont disparu. La liberté a un côté vertigineux.Comment avez-vous campé l'"indigène"?
Le jeune homme est mystérieux. Il se tait et est clairement dans la séduction. Je voulais inverser les rôles, sortir des rôles classiques de la séduction, des normes de qui est désirable. Je lui ai mis un pagne, un peu vintage, en écho aux vieux films. Aussi parce que c'est plus doux à la lecture et permet une révélation de l'érotisme.L’histoire avance presque plus dans les illustrations que dans le texte.
C'est une histoire d'amour, d'exploration des sens. Les sensations se passent de parole. Faire des images narratives fait partie de mes préférences personnelles. Je voulais aussi faire comprendre que les moments muets sont également le témoin d'une solitude exacerbée. Est-ce qu'on se parle à soi quand on est seul?Comment avez-vous procédé pour le choix des couleurs, assez "pop"?
Elles sont dues en partie à la technique d'impression où un rose fluo (NDLR: cfr les pages de garde) a remplacé le magenta habituel. Cela donne des mélanges intrigants, fait ressortir les corps qui sont un des sujets de l'album. Je passe beaucoup de temps sur les couleurs, c'est ma chose préférée dans la création, mon plaisir de dessinatrice. Revenir à la matérialité, en jouer un maximum. Bien entendu, avant de travailler à cet album, j'avais réuni beaucoup d'images afin de nourrir mon dessin.Comment dessinez-vous?
J'ai dessiné cet album à l'ordinateur pour mieux en maîtriser les couleurs. Je dessine depuis toujours à l'ordinateur. Cela me permet de modifier facilement les pages. Mais j'ai aussi des petits carnets de croquis où je raconte ma vie (NDLR: souvent publiés sur les réseaux sociaux).Plusieurs pages témoignent d'un érotisme qu'on pourrait qualifier de joyeux.
J'ai dessiné les images érotiques qui me plaisent. Je voulais que l'héroïne soit active, qu'elle se permette de jouer. L'érotisme est centré sur le corps du garçon, sans fausse pudeur. On voit son corps. Je voulais représenter une fantaisie érotique sans agressivité. C'est dur de trouver l'équilibre, de représenter du sexe de manière séduisante, sans petits papillons pudiques.
Une baignade révélatrice. (c) Casterman.
Pour mieux connaître Marie Spénale et son travail déjà abondant même si elle n'est née que le 30 novembre 1991, on consultera sa page Instagram (ici), sa page Pinterest (ici) et sa très agréable chaîne Youtube (ici).