Titre : Cinq cœurs en sursis
Auteur : Laure Manel
Édition : Eyrolles
Genre : Contemporain
Pages : 475
Parution : 28 mars 2024
Catherine est l’épouse comblée de Marc.
La mère épanouie d’Anaïs et Florian.
La fille aimante de Josette.
La sœur complice de Nathalie.
Catherine est une femme bien, comme il faut.
C’est du moins ce que tous pensaient, jusqu’à ce que la police vienne l’arrêter.
Commencent alors pour ses proches l’attente et les doutes…
Une famille unie peut-elle surmonter l’impardonnable ?
Une couverture magnifique, un résumé plus qu’alléchant, j’avais vraiment hâte de me lancer dans ce dernier livre de Laure Manel. Je n’en avais lu qu’un jusqu’à présent, un de ses premiers, qui n’était pas réellement fait pour moi, je pense. Mais j’ai voulu retenter avec celui-ci et j’ai bien fait, quelle claque, un énorme coup de cœur, un livre qui sera certainement dans mon top 2024…
Ce livre, c’est un roman choral, cinq cœurs en sursis face à l’incarcération de Catherine.
Il y a Marc, son mari, qui ne comprend pas ce qui lui arrive, il tombe de haut en apprenant le lien de sa femme avec cette sordide histoire. Il ne croit pas à sa culpabilité et va la défendre jusqu’au bout, la soutenir pendant son incarcération jusqu’à ce que la vérité tombe lors du procès. Il pensait connaître sa femme, et pourtant il était loin d’imaginer ce qui se passait quand il n’était pas là. Pire encore, il était loin d’imaginer ce dont sa femme était capable. Marc va se retrouver du jour au lendemain à devoir s’occuper de ses enfants à temps complets, en plus de son travail et de ses visites au parloir et de ses rendez-vous avec l’avocat. Marc m’a beaucoup touché, il se retrouve submergé par ce qui arrive à sa famille, il fait de son mieux pour protéger ses enfants, pour qu’ils ne manquent de rien, malgré l’absence de leur mère. J’ai compris chacun de ses choix, j’aurais fait les mêmes. Je suis heureuse de l’évolution de la vie de ce personnage. Il mérite le bonheur après deux années entières à défendre sa femme contre tous, après avoir appris ce qu’elle lui cachait, après avoir fait passer ses enfants avant lui. Bref, je l’ai trouvé très courageux, c’est un homme bon, loyal, un père en or.
Je n’éprouve plus cet amour immense. Ces deux années l’ont étouffé. Manque d’air, asphyxie. Mort clinique des sentiments.
Il y a sa fille aînée, Anaïs, 13 ans lors de l’arrestation de sa mère. C’est elle qui vit le moins bien cette situation, elle crie à l’injustice, en veut au monde entier pour cette erreur judiciaire. Sa vie a été bouleversée en quelques jours, au collège, tout le monde la montre du doigt. En plus de la phase d’adolescence qui est toujours compliqué à vivre, Anaïs se retrouve avec une mère en prison, une mère qu’elle veut soutenir quoi qu’il arrive. Enfin jusqu’au procès, jusqu’au moment où la vérité éclate. À partir de là, Anaïs n’est plus que colère, haine et rébellion, elle en veut énormément à sa mère. Elle refuse alors d’aller la voir, de lui parler, ce qu’elle a fait est impardonnable, elle a détruit leur famille… Anaïs m’a énormément touché, nous connaissons ses états d’âmes grâce à son journal intime où elle raconte ce qui se passe dans sa vie, où elle lâche un peu de son trop-plein d’émotions. C’est elle qui m’a fait ressentir le plus d’émotions, on voit vraiment qu’elle en bave de cette situation, elle n’arrive pas à exprimer ce qu’elle ressent, elle se laisse envahir parfois par les ténèbres, à de mauvaises fréquentations, flirt avec le danger. J’ai eu beaucoup de peine pour elle, heureusement, Anaïs va tomber sur une personne qui va l’aider et changer sa vie.
Florian, le petit frère d’Anaïs, il a six ans de moins qu’elle, Florian est celui que tout le monde veut protéger. Celui qui doit encore rester un peu dans le monde de l’enfance, tout le monde tente de préserver son innocence alors que sa mère est emprisonnée. Il est touchant, il m’a fait de la peine, ce petit bout qui est privé de sa maman sans qu’il comprenne pourquoi. Heureusement, il peut compter sur sa famille pour l’entourer et le couvrir d’amour. Florian aime sa mère plus que tout, lui, qui était son chouchou, vit très mal cette absence, alors en plus des parloirs chaque semaine, Florian écrit régulièrement des lettres à sa maman. Des lettres dans lesquelles il lui dit combien il l’aime, et puis Florian grandit, il apprend la vérité, mais son amour pour sa mère ne change pas, il reste auprès d’elle. Même si la vie et l’éloignement géographique de sa mère le pousse à moins lui rendre visite, à vivre sa vie, à grandir, à découvrir des choses. Ce personnage est également très touchant, j’ai adoré suivre son évolution, c’est lui qu’on voit le plus grandir, le plus changé, il est très gentil, loyal et doux. Même quand il grandit, à l’adolescence, il reste ce garçon gentil et jovial, passionné de dessin qui s’isole souvent dans sa bulle, j’ai beaucoup aimé ce qu’il est devenu, quelque part, je suis fière de lui.
Josette, la mère de Catherine, la grand-mère d’Anaïs et Florian. L’incarcération de sa fille va être un choc énorme pour elle, elle va très mal le vivre, peut-être même plus que les autres. Elle croit en l’innocence de sa fille, elle va même témoigner à son procès pour leur montrer à quel point c’est une bonne personne. Mais Josette aussi va tomber de haut en même temps que la vérité va tomber. Josette va mettre sa vie sur pause, elle ne va penser qu’à sa fille, privée de liberté, bien sûr, il lui reste une autre fille, mais elle n’a pas le même lien avec elle. Josette va souffrir autant que sa fille, va se laisser aller, surtout au niveau de sa santé, elle va s’épuiser à faire des allers-retours pour un parloir, va continuer de la défendre contre tous. Elle va rester l’unique pilier quand certains quittent le navire. C’est certainement le personnage qui m’a le moins touché, même si elle a quand même réussi à me toucher également. Je ne suis pas mère, je ne peux donc pas toujours comprendre qu’elle défende l’indéfendable. J’ai eu du mal à comprendre les reproches qu’elle fait à Anaïs et Marc. Mais je sais que ça a du sens pourtant, c’est une mère, c’est normal qu’elle défende sa fille, celle qu’elle a portée, celle qu’elle a élevée.
Et puis il y a Nathalie, la petite sœur de Catherine. Celle qui a toujours été là pour elle. Après le décès de leur père, leur mère est tombée en dépression, c’est donc Catherine qui a toujours été là pour elle qui l’a aidé à grandir, à devenir la femme qu’elle est. Les deux sœurs ont toujours eu un lien très fort. Elles ont toujours été des confidentes, Nathalie connaît sa sœur, elle savait ce qu’elle faisait quand son mari n’était pas là. Nathalie est la seule qui n’ait jamais douté de la culpabilité de sa sœur, et pourtant, elle a culpabilisé, elle, de ne pas avoir vu les signes, d’avoir pris les paroles de sa sœur à la légère. Elle m’a beaucoup touchée, Nathalie est la laissée de côté, celle qui compte moins pour sa mère, c’est pour ça qu’elle est partie à l’autre bout de la France. Nathalie se sent tellement coupable, qu’elle a du mal à avancer, elle se sent parfois en prison comme sa sœur. Elle va mettre du temps à se mettre en tête qu’elle a le droit au bonheur. Heureusement, elle va tomber sur l’homme de sa vie qui va l’aider à surmonter ces épreuves. J’ai eu beaucoup de peine pour elle, Nathalie est gentille, loyale, à l’écoute, mais elle n’est pas née au bon moment…
Catherine a été condamné hier. Mais c’est toute notre famille qui a été condamnée. Nous avons tous pris perpétuité.
Ce sont ces cinq personnages que nous allons suivre tout au long de l’histoire. J’ai adoré la construction de ce livre, donner la parole à tous les membres de la famille sauf la principale concernée, c’était vraiment très original. J’ai adoré voir cette autre facette, ceux qui voient leurs vies bouleversées parce que quelqu’un de leur famille a commis l’irréparable. Ils sont victimes, eux aussi, mais jamais considéré comme tels, puisqu’ils sont dans le mauvais camp. Laure Manel, dans cette histoire, nous montre, la souffrance de proches engendrée par l’incarcération, comment ceux qui vivent à l’extérieur le vivent.
J’ai aussi adoré remonter le temps à travers ce livre, nous partons de 2001 en traversant les années jusqu’en 2023. Il s’en est passé des choses entre-temps, dans cette histoire, nous revivons les attentats du 11 septembre, le tsunami du 26 décembre 2004 en Thaïlande, l’élection de Barack Obama et encore bien d’autres faits qui ont marqué l’histoire. Laure nous parle aussi de musique, émissions TV et films de cette époque, un peu de légèreté que j’ai adoré retrouver, un brin de nostalgie qui met le sourire aux lèvres.
J’ai adoré la plume de l’auteure, elle est addictive, fluide, se lit très vite. Les chapitres sont courts et les points de vue s’alternent très bien. J’ai adoré le fait que pour les enfants, les points de vue soient différents, les lettres pour Florian et le journal intime pour Anaïs. D’ailleurs, on voit l’évolution de cette dernière à travers son journal, on la voit commencer à faire des rimes pour arriver jusqu’au slam, initié par sa professeure de français. Malgré les nombreuses pages, l’histoire se dévore et se lit très vite, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde.
Ce livre est un énorme coup de cœur pour moi, le premier qui me marque autant depuis le début d’année. Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre en commençant cette histoire, j’étais loin de m’attendre à ça. C’est pour moi un sans-faute, j’ai adoré chaque personnage, ils m’ont tous touchés, leurs émotions sont vraiment parfaitement retranscrites, on ressent ce qu’ils vivent, les doutes, la tristesse, la colère, la joie, ce livre est un panel d’émotions. Il y a un fond d’enquête qui tient en haleine, mais surtout, cette fois, nous sommes du côté des familles des coupables, les victimes collatérales dont on ne parle jamais. C’est un livre bouleversant, percutant, qui nous entraîne dans la vie d’une famille normale qui se retrouve propulsée dans un drame. Un livre original, qui change de ce que j’ai pu lire, un livre que je ne peux que vous conseiller de découvrir…