Daredevil jaune : édition ultime pour le chef d'oeuvre de loeb et sale

Par Universcomics @Josemaniette

 Jaune. Comme la peur, la nostalgie, la malchance, au choix, faites le votre. Matt Murdock n'a pas pu faire le sien; c'est le destin, cruel et implacable, qui régit l'enfance et l'adolescence de ceux que le sort a élu pour devenir des super-héros. A commencer par l'assonance de ce nom devenu si célèbre, MM, deux initiales pour un parcours hors pair. Le jeune Matt a déjà un cœur héroïque, il n'hésite pas un seul instant à se sacrifier pour éviter à un aveugle imprudent de finir sous les roues d'un camion. Qui transportait, fatalité quand tu nous tiens, des déchets toxiques qui vont priver le jeune courageux de l'usage de la vue, mais amplifier de manière formidable tous ses autres sens. Vous connaissez cette genèse, inutile d'en rajouter. Alors pourquoi y revenir, pourquoi s'attarder ensuite sur Matt jeune avocat tombant raide dingue de sa secrétaire, la belle Karen Page, quand tout cela a déjà été dit et redit, illustré et thésaurisé ? Parce que la nostalgie, c'est le pouvoir de se retourner sur les faits du passé, et d'en tirer à chaque fois de nouvelles leçons, de nouvelles anecdotes, une nouvelle lumière. Jaune, cette fois. Et ce sera un petit bijou, comme savait en écrire Jeph Loeb, avant les inepties rédhibitoires à base de Red Hulk, par exemple. Il est ici question de revenir et retravailler la matière première extraite de l'ère Stan Lee, pour l'adapter et la faire épouser une sensibilité et une manière de faire plus contemporaines. Il y a beaucoup de poésie et de justesse dans la façon de dépeindre les émois sentimentaux de Matt, dans la complicité amicale qui l'unit à Foggy Nelson. Une grand vent old school dont on ressent régulièrement le besoin, et qui ne passe jamais de mode.

Le drame chez le superhéros moyen se joue malheureusement aussi au niveau familial. Matt, encore enfant, a  perdu son père, boxeur sur le retour et grugé par son imprésario mafieux, lorsqu'il refusa de se coucher et remporta un ultime combat, qu'il aurait perdre. Prendre en chasse les responsables de cet acte odieux fut la première mission du nouveau justicier. Si dans la version de Miller et Romita Jr (Daredevil – Man without fear) le jeune Matt se lance tête baissée dans la mêlée et sans une identité secrète distincte, chez Loeb et Sale il prend le temps de se confectionner un costume, de se créer une nouvelle identité qui va définitivement chasser les doutes et la peur, pour les instiller chez l'ennemi, qui n'a plus qu'à trembler. Costume jaune et rouge, le premier, l'originel. Mais la peur et le doute ne sont pas des émotions si lointaines… ces sentiments se sont juste modifiés, investissent d'autre champs de la vie quotidienne : Matt pourra t'il séduire la douce et tendre Karen Page, ici en parfaite caricature de la jeune ingénue hollywoodienne, donzelle innocente en attente de sauvetage héroïque. Et ça tombe bien, c'est une spécialité, pour Daredevil. Au risque de devenir un rival inabordable pour Matt, muré derrière un secret qu'il ne peut révéler à personne. Classique et tragique, Loeb n'invente rien mais repropose avec une clarté et une délicatesse parfaites. Le regretté Tim Sale donne du volume au récit avec un trait propre, clair, délicieusement rétro et naïf. On peut extraire de son travail de nombreuses illustrations qui à elles-seules mériteraient la lithographie et le panthéon du genre. Et ce n'est pas un hasard (et c'est justice) si Panini ressort Jaune dans un écrin magnifique, qui valorise l'art de Sale à ce point. Tous les fans nostalgiques de Daredevil ont trouvé là une base sur laquelle édifier leur passion pour ce diable de casse-cou et de séducteur impénitent qu'est Matt Murdock. C'est magnifique et c'est indispensable. Un volume hors collection et grand format (20,5 x 31) disponible pour 39,95 euros à partir de cette fin de semaine. 


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