La Slovénie, invitée d'honneur 2024 à Bologne

Par Lucie Cauwe @LucieCauwe

L'exposition "And then what happens?"


L'exposition slovène.

Être le pays invité d'honneur à la Fiera del Libro per Ragazzi de Bologne signifie monter une exposition, organiser des rencontres, réunir des éditeurs et des agents littéraires, informer les visiteurs, imprimer des guides et des répertoires, proposer le travail d'auteurs et d'illustrateurs, en leur présence si possible. Hôte 2024, la Slovénie a fait tout cela. Parmi les points forts, l'exposition d'une soixantaine de ses illustrateurs, "And Then What Happens?", titre né de la traditionnelle question d'enfant. Elle était complétée d'un épais catalogue gratuit sous forme de fiches illustrées et surmontée d'un dais imprimé. Autre point fort, la conférence d'une journée "We love reading", le mercredi 10 avril à la très belle bibliothèque Salaborsa, en ville.

Un dais imprimé reprend les originaux exposés.


L'exposition "And then what happens?".

Marko Kravos prononçant son texte.

La conférence "We love reading" a proposé à un large public une approche de la littérature jeunesse en Slovénie, avec ses particularités comme la Reading Badge Society, une réflexion sur l'intelligence artificielle, profonde et drôle par le professeur à l'université de Ljubljana Miha Kovac, la place et l'impact des bibliothèques et diverses initiatives de promotion de la lecture. Sans oublier l'intervention de divers auteurs et illustrateurs.
 La journée a commencé par un fantastique texte de l'écrivain Marko Kravos, un véritable hymne à la lecture, lu en italien avec traduction en anglais projetée, qui sera publié sur le site de la Section belge francophone de l'IBBY (ici).   En apéritif, deux extraits:
"Comme vous pouvez le constater, ces dernières années, j'ai personnellement lié ma conscience à la Reading Badge Society, joyeusement dans sa 63e année. Même enfant, j'étais un lecteur accro, en tant qu'étudiant en littérature, j'ai consacré l'essentiel de ma vie à l'édition de livres, puis j'ai également enseigné à l'université et occupé des postes de direction dans des associations d'écrivains: entre-temps, j'ai écrit de la poésie et de la prose pour enfants, traduite, jouée sur les places publiques, dans les écoles et les sociétés. Au fond, il était grand temps que je m'intéresse au lecteur sans qui toute ma vie n'est qu'un château de cartes qui pourrait à tout moment s'effondrer. Avec cette dernière responsabilité, j'ai pris conscience de la richesse de ce patrimoine, mais aussi de son impuissance face aux défis actuels qui, également en raison des réalités virtuelles et des processus informatisés, menacent notre individualité en tant qu'êtres humains, notre liberté, notre sentiment d'appartenance sociale, notre boussole éthique."
"(...)Dans mes activités créatives, en écrivant des livres, je me rends compte que la passion créative et la satisfaction que nous tirons de l'écriture ne suffisent pas. Outre les contacts fréquents avec le public des lecteurs rendus possibles en Slovénie par l'intermédiaire des sociétés susmentionnées et des travailleurs culturels de divers domaines, je suis de plus en plus anxieux. La baisse de concentration de lecteurs, le déclin de la signification sociale du livre sont très apparents. Dans un monde désorienté où la violence et la militarisation augmentent, un livre avec son âme de papier ressemble à un oiseau qui vole sans branche sur laquelle s'asseoir. Sur une planète où les saisons déraillent, où il y a de moins en moins d'air et où la verdure diminue, il n'y a ni temps ni espace pour le livre. Cela  semble ainsi. Et cela me met personnellement au défi d'assumer mes responsabilités, de protéger mon propre objectif créatif. Je dois résister à l'horreur d'une planète désolée qui nous menace d'armes et d'esprits toujours plus pervertis exploités par des centres de pouvoir aliénés aux perceptions à courte vue."