Mademoiselle, qui vient de paraître, est un inédit de l’écrivain, script du film éponyme réalisé par le britannique Tony Richardson en 1966, avec Jeanne Moreau dans le rôle-titre. Jean Genet avait rédigé le scénario sous forme d’une longue nouvelle avec dialogues en 1951, avec comme titre Les Rêves interdits ou l'autre versant du rêve. Après plusieurs tentatives avortées avec d'autres réalisateurs, l'écrivain fut approché par Tony Richardson pour peaufiner ce scénario, se mit au travail, mais ne donna plus de nouvelles et s'en désintéressa complètement. Ce drame fut tout de même tourné, en Corrèze, et mal accueilli lors de sa projection au festival de Cannes 1966.
Un petit village de province. Mademoiselle, jamais autrement nommée, est une jeune institutrice récemment nommée ici. Poussée par des pulsions pas très claires mais dont la sexualité n’est certainement pas étrangère, la demoiselle met le feu à des fermes, déclenche une inondation ou empoisonne l’abreuvoir. Dans ce village paysan vivant sur lui-même, le coupable est immédiatement pointé du doigt par la vindicte populaire : ce sera Manou, le bûcheron itinérant et Polonais. Installé temporairement dans la commune, il vit avec son fils Bruno, seul depuis qu’il est veuf ; très bel homme, il affole la féminité locale et donc s’attire le courroux des époux.
Et bien que Manou se comporte en héros lors des incendies, il entre dans les maisons en feu pour sauver ce qui peut l’être, il attise encore plus les rancœurs masculines puisqu’il fait rêver les femmes encore plus, ce corps en sueur se débattant au milieu des périls etc. Même l’apparemment prude Mademoiselle, n’est pas insensible à l’image du bûcheron qui lui, semble l’ignorer. Inversement, Bruno l’adolescent, se meurt d’amour pour sa maîtresse d’école qui se complait à l’humilier en classe. Les locaux vont lancer une chasse aux sorcières pour exterminer l’intrus…
Pas mal du tout ce roman.
Scénario, récit, comme on voudra mais cela se lit très bien. Au thème classique de la rumeur villageoise s’en prenant à l’étranger, bouc-émissaire tout désigné quand le malheur s’abat sur une communauté, Genet ajoute insidieusement, une tension sexuelle relativement discrète qu’on devine animer secrètement les actes des uns et des autres, ne pouvant aboutir qu’à une issue fatale avec une héroïne aussi perverse.