Le cygne et la chauve-souris

Par Sebulon

Le cygne et la chauve-souris – Keigo Higashino

Actes Sud (2023)
Traduit du japonais par Sophie Refle

 

Le cadavre d’un homme poignardé a été retrouvé sur la banquette arrière de sa propre voiture garée dans une rue de Tokyo. Il s’agit de Shiraoshi Kensuké, un avocat en droit pénal.
L’inspecteur Godai et son jeune collègue Nakamachi sont chargés de l’enquête qui s’annonce difficile. Mais assez vite, Godai obtient les aveux d’un homme dans la soixantaine, Kuraki Tatsurō.
Celui-ci reconnait avoir tué l’avocat et s’accuse d’un meurtre qu’il a commis dans la province de Nagoya plus de trente années auparavant, crime désormais prescrit.
À l’époque, il n’avait pas été suspecté et un homme arrêté à tort s’était pendu pendant sa garde à vue. Kuraki ne s’était pas dénoncé. Longtemps après, pétri de remords, devenu veuf et à la retraite, il a retrouvé la trace de la veuve et de la fille de l’homme accusé à tort. 

Afin d'échapper à la honte, les dames Asaba se sont installées à Tokyo, où elles ont ouvert un restaurant. Kuraki a pris l'habitude de s'y rendre trois ou quatre fois par an lorsqu'il vient voir son fils Kazuma. Une relation de confiance s’est établie entre Kuraki et les deux femmes. Souhaitant leur léguer une partie de ses biens pour compenser le préjudice qu’il estime leur avoir causé, Kuraki a consulté l’avocat Shiraoshi pour solliciter ses conseils et lui a avoué son crime. Shiraoshi aurait alors tenté de le convaincre de se dénoncer aux deux femmes. Kuraki, qui ne voulait pas mettre en péril la relation qu’il avait construite avec elles, aurait pris peur et, paniqué à l’idée que l’avocat pourrait révéler son secret, l’aurait poignardé.
 

La police de Tokyo peine à vérifier les aveux de Kuraki. Tous les témoins sollicités à son sujet sont unanimes pour s’étonner que cet homme puisse être doublement un assassin. Même les dames Asaba se refusent à lui en vouloir et plaignent son fils d’avoir à subir l’opprobre de la société, comme elles l’ont elles-même vécu. Kazuma ne fait pas exception, il est persuadé que son père ment sur certains éléments, comme Shiraoshi Mirei, la fille de l’avocat qui ne reconnait pas son père dans l’attitude que lui prête Kuraki. Jamais son père n’aurait fait pression sur lui pour le convaincre de dénoncer son crime aux dames Asaba.
Alors que l’affaire est bouclée et que Kuraki attend son jugement en prison, Kazuma et Mirei, chacun de son côté, mènent l’enquête pour tenter de comprendre ce qui s’est passé. Puis, lorsqu’ils se rencontrent par hasard, ils associent leurs efforts pour découvrir la vérité.

Jusqu’à présent j’ai apprécié les romans de Keigo Higashino et celui-ci n’a pas fait exception. L’intrigue est très bien menée et s’articule d’une façon très fluide entre les actions et les interrogations des différents protagonistes. 

Ce que j’aime dans les romans d’Higashino, c’est qu’il s’appesantit peu sur les scènes de crime. Pas de descriptions glauques et sanguinolentes, il s’intéresse surtout au déroulement de l’enquête. Ici, il accorde une grande place aux doutes, ceux des policiers comme ceux des proches du suspect et des victimes, ceux des témoins. La personnalité des protagonistes est analysée finement, l'auteur prend son temps en laissant les enfants du suspect et de la victime prendre le relais des forces de police. 

Ce que j'apprécie également dans mes lectures d'Higashino, c'est une meilleure connaissance de la société japonaise, de ses règles de vie bien différentes des nôtres. C’est une société où l’honneur a une autre signification, où une réserve presque excessive est la norme dans toutes les relations, qu'elles soient proches comme dans le milieu familial, ou plus distante dans le milieu professionnel. Ainsi, la police de Tokyo hésite à interroger celle de la région de Nagoya où a eu lieu le meurtre trente ans plus tôt, craignant de raviver la honte que représentait pour les autorités locales le suicide d’un suspect dans ses locaux. 

En revanche, au Japon comme chez nous, les réseaux sociaux exercent la même violence sur les individus lorsqu’ils sont mis en lumière par l’actualité. Ainsi, Kazuma, lorsque son père est arrêté, est prié par son responsable hiérarchique de se mettre en congé pendant deux semaines car il est en contact avec la clientèle de son entreprise, et l’affaire pourrait nuire à la réputation de celle-ci. Par la suite, lorsqu’il reprend son travail, il est muté à un poste où il n’a plus de contact commercial.


J’avais lu de bonnes critiques de ce roman chez Dasola et Tu l'as lu?? et j'ai bien fait d'avoir suivi leurs avis !

J'ai dans ma Pal un autre roman d'Higashino, Les miracles du bazar Namiya. L'avez-vous lu, qu'en pensez-vous ?