Le travail m'a tué. Arnaud DELALANDE, Hubert PROLONGEAU et Grégory MARDON – 2019 (BD)

Par Vivrelivre @blandinelanza

Le travail m'a tué

Scénario d'Arnaud DELALANDE et Hubert PROLONGEAU
Dessin de Grégory MARDON

D'après l'essai d'Hubert PROLONGEAU et Paul MOREIRA, "Travailler à en mourir"

Editions Futuropolis, juin 2019
120 pages

Thèmes : Travail, Chronique sociale, Mal-être, Burn-out, Suicide

Carlos Perez, fils d'émigrés espagnols, intègre l'entreprise automobile de ses rêves après de brillantes études.
Volontaire, dynamique, investi et communicatif, il grimpe vite les échelons, rencontre Françoise qu'il épouse, le crédit du pavillon est signé et un bébé va bientôt naître. Tout sourit à Carlos.
Mais, peu à peu, à un rythme lent mais implacable, son monde professionnel change, se dégrade jusqu'à impacter sa vie privée et son état mental.

Je suis sûr que la crise est aussi là parce qu'on s'amuse moins au travail.

Déménagement des bureaux qui l'oblige à devoir prendre désormais les transports et à subir (pardon, " excuser ") quasi quotidiennement " la gêne occasionnée ", un environnement de travail bruyant et déshumanisant de l' open-space, changement de direction et management inadapté avec un vocabulaire de plus en plus théorique et incompris, des objectifs toujours plus hauts pour compenser des résultats jugés toujours plus décevants, délocalisation et sous-traitance des usines à l'étranger qui engendrent des déplacements longs et répétés, logiciels extérieurs de plus en plus compliqués à utiliser sans aide directe, internet et ses mails toujours plus tardifs et intrusifs, l'impossibilité de communiquer, l'impression d'être quelqu'un qui se plaint constamment, la fatigue de plus en plus vive et des insomnies constantes, une nervosité extrême, Françoise qui n'arrive plus à le soutenir, la famille qui se délite...

Je crois que tu aurais la vie plus cool si de temps en temps tu t'en foutais un peu.

" Le travail m'a tué ", ce titre dit tout.
Ce récit de fiction, mais inspiré d'histoires malheureusement réelles, rend hommage à tous ceux qui se sont suicidés sur leur lieu de travail, à cause de leur travail (Renault et France Telecom notamment).

Les planches au dessin sobre, colorisé par aplats, retranscrivent les multiples facteurs qui, les uns ajoutés progressivement aux autres, ont conduit Carlos à ce geste funeste.
Elles montrent et démontrent la déshumanisation progressive du monde du travail en entreprise, soumis à des pressions multiples, et en premier lieu financières, qui gangrène, désolidarise, et individualise les comportements, engendrant un système pervers basé sur le profit qu'il est difficile d'enrayer.

Un harcèlement moral mais...
Institutionnel en même temps...
Organisé.
Et personne de responsable.

Cette lecture m'a beaucoup secouée, car je ne me représente que trop bien son propos. Il est juste, précis, sensible et résonnera à coup sûr en beaucoup d'entre nous.
Un album édifiant qui se conclue sur une note indiquant les "progrès" mis en œuvre par les différentes entreprises pour mesurer et prendre en compte le bien-être de leurs salariés.
Pour autant, est-ce suffisant ? Assurément non !

Cet album participe à la BD de la semaine, qui se passe aujourd'hui chez Noukette (CLIC) ; ainsi qu'à l'Objectif PAL

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Belles lectures et découvertes,

Blandine