Mercure de France – avril 2024 – 176 pages
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Début des années 50, c’est la naissance des livres de poche et de la crème Nivea. Ida travaille dans une maison de haute couture parisienne depuis trente ans ; elle est première d’atelier, les cousettes sont sous ses ordres. Tout le monde la craint et la respecte. Jean est mannequin cabine – c’est un jeune homme blonds aux yeux gris et vides, timide, qui se sent presque encombré, gauche, de ce corps grand et fin. Ce corps à la disposition des femmes de l’atelier – un coeur battant parmi les mannequins de bois. Son charisme et son mystère enflamment Ida, seule depuis tant de temps. Jean qui a toujours sur lui un petit carnet de cuir qu’il griffonne avec fougue. Jean qui maîtrise à la perfection l’art de rester immobile, de s’absenter de son propre corps.
Ida passe tant de journées à quelques centimètres de lui qu’elle connaît ses traits et sa peau par coeur. Mais que sait-elle vraiment de Jean? Douleur et jalousie commencent à coloniser son coeur.
La plume de Jennifer Kerner m’a captivée dès les premiers mots, elle est d’une grande finesse, cristalline et tranchante – très imagée. Il règne sur l’intrigue une ambiance gothique saisissante. Et quelle originalité dans le sujet – les personnages sont saisissants dans leur noirceur intérieure. Le tissu de crin est un premier roman d’une efficacité redoutable, que j’ai dévoré avec un vif plaisir mêlé d’effroi.