Où es-tu, monde admirable

Par Sebulon

Où es-tu, monde admirable – Sally Rooney

Éditions de l’olivier (2022)
Traduit de l’anglais (irlandais) par Laetitia Devaux

 

Alice, jeune romancière à succès, vient d’emménager dans une maison à l'écart d’un village de la campagne irlandaise. Elle a décidé de se mettre au vert après une grave dépression. Grâce à Tinder, elle entre en contact avec Felix, un natif du coin, qui travaille comme manutentionnaire dans un entrepôt. Leur premier rendez-vous est un échec. Néanmoins, Alice propose à Felix de l’accompagner à Rome où elle doit se rendre quelques jours pour la promotion de son dernier livre.
Eileen, la copine d’Alice depuis l’université, est issue d’une famille rurale, elle vit à Dublin et travaille pour une revue littéraire, où elle exerce un emploi qui ne la passionne pas pour un salaire insuffisant. Elle a vécu trois ans en couple avec Aidan puis ils se sont séparés. Depuis, Eileen n’a pas eu d'engagement sérieux. Elle renoue avec Simon, qu’elle connait depuis l’enfance et avec lequel elle a une relation ambiguë. Simon est un peu plus âgé, il est attaché parlementaire à Dublin et s’investit aussi dans une ONG. Il est très croyant mais ne se sent pas heureux. Il répond toujours présent quand Eileen fait appel à lui.

Le socle du roman, ce sont les échanges d’e-mails fréquents entre Alice et Eileen. Elles parlent de tout et de rien, se racontent leur vie quotidienne, reviennent sur leurs souvenirs, leurs expériences passées heureuses ou malheureuses. Elles discutent aussi de sujets sérieux, le Christianisme, la Beauté, L’Art, la crise écologique, le temps qui passe et l’horloge biologique. Elles sont amies mais ne se ménagent pas. Elles ont aussi beaucoup de difficultés à se rencontrer. Alice invite Eileen à venir la voir à la campagne mais elle s’absente souvent pour des voyages de promotion de ses romans. Eileen se plaint qu’Alice ne l’avertisse pas quand elle passe à Dublin en transit vers Londres ou vers l’Europe. Finalement, un week-end va réunir les quatre protagonistes à la campagne.
 

En relisant le billet que j’avais écrit à propos de Conversations entre amis, le premier roman de Sally Rooney, je me rends compte que je pourrais dire un peu la même chose à propos de Où es-tu, monde admirable. Comme précédemment, mon résumé pourrait laisser croire qu’il s’agit encore d’un roman léger, où deux trentenaires s’épanchent sur leurs amours contrariées. Mais encore une fois, c’est bien autre chose. Certes, les relations amoureuses des deux filles prennent beaucoup de place dans le roman mais c’est loin d’être le sujet principal. C’est plutôt un état des lieux de la vie d’un groupe de jeunes trentenaires qui peinent à trouver leur place, qui sont encore dans l’illusion des rêves de jeunesse mais de plus en plus confrontés à la réalité d’un monde en plein bouleversement. D’ailleurs, les dernières pages du roman se passent en pleine pandémie de Covid-19. Avec ce roman, on est en plein dans la vie.
 

Sally Rooney est toujours fâchée avec les marques de ponctuation des dialogues. C’est un peu surprenant au début, on ne sait pas toujours qui s’exprime mais on s’y fait !  
 

Ce que j’ai aimé dans ce roman, c’est qu’il me projette dans un univers qui n’est pas le mien car mes trente ans sont bien loin ! Mais ça m’intéresse d’avoir un autre point de vue, de partager les interrogations et les difficultés d’une autre classe d’âge que la mienne pour mieux comprendre les jeunes de mon entourage, être sensible à leurs préoccupations.
 

Dans mon billet sur Conversations entre amis, je regrettais que Sally Rooney évoque superficiellement de trop nombreux sujets. Et bien, avec Où es-tu, monde admirable, elle les a un peu plus développés et elle a bien fait. À quand son prochain roman ?