Éditions de l’Olivier – 2022 – 192 pages
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« Je suis retournée à la mairie de Montreuil. J’avais l’impression d’aller chercher un enfant à la DDAS. À l’accueil j’ai dit : Bonjour, je viens récupérer mon prénom. »
Elle est née Polina mais quand elle arrive en France, enfant, après la chute de l’URSS, elle devient Pauline pour l’administration. Polina à la maison et Pauline à l’école. Vingt ans plus tard, elle a rendez-vous au tribunal pour tenter de récupérer son prénom. Tout comme son prénom, sa langue se dédouble, son enfance aussi : Il y a l’enfance en Russie – la datcha, les grands-parents, Tiotia Nina – puis l’enfance à Saint-Étienne – la materneltchik et les mots qu’il faut trouver, apprivoiser. Il se dégage de ces pages une douce candeur mêlée d’humour.
« Russe à l’intérieur, français à l’extérieur. C’est pas compliqué. Quand on sort on met son français. Quand on rentre à la maison, on l’enlève. On peut même commencer à se déshabiller dans l’ascenseur. »
L’écriture de Polina Panassenko est enlevée, drôle et rythmée. Certains passages sont tordants. J’ai aimé ce regard d’enfant posé sur le réel. Il y a la nouvelle langue à apprendre, l’ancienne à garder, au fond de soi. La langue qui gratte, la langue comme un vêtement. L’autrice a une façon de mettre en mot le réel de façon tellement originale et truculente, comme ce passage sur les mots de sa grand-mère qui se font la malle. « Mon grand-père excelle à la chasse au mot. Moi je suis meilleure à l’accouchement par syllabes. Je me fais sage-femme de sa bouche. » Elle imagine aussi son accent perdu frapper un jour à sa porte pour lui demander des comptes.
Tenir sa langue est un premier roman vibrant de talent, à la langue affûtée et riche en émotions.