Anne Brochet – L’armoire de vies ***

Par Laure F. @LFolavril

Albin Michel – aveil 2024 – 135 pages

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« En les ouvrant lentement, je démultiplie mon visage comme un palais des glaces. Je me vois à l’infini et cela peut m’occuper longtemps. »

Dans ce singulier récit, l’autrice se raconte à travers les armoires de toilette qui ont jalonné sa vie. Son visage qui se reflète dans le miroir à chaque étape de sa vie –  enfant, elle ne l’atteint pas, adolescente elle ne supporte pas son image… Dans le miroir elle découvre son corps qui change, qui la trahit. Elle imite les publicités – de l’Eau précieuse au bain moussant Obao. Elle contemple le spectacle de son chagrin. Ses entraînements à embrasser. Les produits de beauté qu’elle utilise et qui l’accompagnent en grandissant, de la crème Nivea au lait hydratant Eau de Rochas, en passant par la crème Mustela de sa grand-mère – toute une poétique mémorielle des cosmétiques se déploie. Le contenu de l’armoire se modifie avec l’âge.

Le miroir est l’instrument idéal ; il renvoie les ombres, les doutes, les passages à vide, les angoisses. S’il est complice des jeux de l’enfance, il devient traître lorsque nous vieillissons car il sert à traquer les rides et les imperfections. Se reflète alors dans le miroir l’impuissance face au temps qui passe. Il y a les baumes qui réparents autant le corps que l’âme ; des parfums qui lui rappellent d’anciens amours…

Vous l’aurez compris, ce roman autobiographique original & sensoriel m’a beaucoup parlé – à la fois empreint d’humour et de gravité. Le miroir est le témoin privilégié du temps qui passe, de la beauté traquée, de l’image que la femme doit renvoyer pour correspondre aux attentes de la société, les images multiples qu’elle perçoit d’elle-même au cours de sa vie.