Un oeil dans la nuit – Bernard Minier

Cela commence ainsi : Mathias Laugier, un décorateur de cinéma, se meurt d'un cancer dû à l'amiante cotoyé sur les plateaux de tournage. Sur son lit de mort, il confesse au prêtre Daniel Eyenga être " un des démons de l'enfer "... et lui confie une clé USB à remettre à un certain Kenneth Zorn, un producteur vivant dans un manoir des Côtes d'Armor... Judith Tallandier, une étudiante en cinéma, a obtenu le Saint-Graal, un stage auprès du réalisateur iconique de films d'horreur, Morbus Delacroix. Celui-ci a mis fin brusquement à sa carrière quelques mois plus tôt pour se retirer au fin fond des Pyrénées. Mais sur le trajet de la jeune femme d'étranges messages semblent la mettre en garde ou la dissuader de faire ce séjour. Le commandant Martin Servaz enquête sur le meurtre de Stan de Welz, un spécialiste des effets spéciaux interné dans un hôpital psychiatrique de Toulouse. Il a été lacéré et vidé de son sang et a étouffé après avoir été forcé d'ingurgiter des abeilles... Le patient de la chambre voisine s'est évaporé, il est considéré comme le principal suspect mais aucune caméra de surveillance ne révèle quoi que ce soit sur la disparition et le meurtre...

Ce livre se veut un hommage au cinéma d'horreur: des films cités au long du récit jusqu'à la trame elle-même de ce roman, Bernard Minier nous invite à une immersion dans ce domaine. Un prêtre pour commencer comme dans l'Exorciste, un être de bonne foi qui a très tôt la certitude d'avoir affaire aux forces du mal. Mais pas de sciences occultes ni de démon dans ce roman, uniquement la folie humaine, qui se suffit à elle-même pour nous horrifier. Un asile psychiatrique où a lieu un meurtre des plus sadiques ainsi qu'une disparition énigmatique : imaginez la caméra braquée sur les portes des chambres d'où personne n'entre ni ne sort alors que les parois des pièces se gorgent de sang... Et puis cette jeune étudiante dont on devine bien vite qu'un piège pervers se referme sur elle dès lors qu'elle pénètre dans le manoir de Morbus Delacroix, un réalisateur réputé dément et tyrannique, qui vit là avec sa compagne, connue pour avoir interprété le rôle de la célèbre comtesse hongroise Élisabeth Báthory... Un jeu dangereux s'installe entre ce trio de personnages...

Les thèmes abordés vont au-delà de la réflexion sur le cinéma d'horreur et traitent également de problèmes de société très actuels: les abus sexuels dans le monde du cinéma (Morbus Delacroix a beaucoup de points communs avec Harvey Weinstein, par exemple...), le manque de personnel dans le monde médical et le manque de moyens des forces de l'ordre. Les Pyrénées en toile de fond " c'était un pays de pluie, de silence et de secrets. Un pays où les bouleversements du monde n'arrivaient qu'amortis, filtrés par des siècles de patience" , un lieu retiré du monde où Bernard Minier y installe l'horreur...

L'écriture est très visuelle, instaurant un climat anxiogène et terriblement addictif, j'ai dévoré ce roman très rapidement ne boudant pas mon plaisir de retrouver l'équipe du commandant Servaz. Mais quel terrible sort l'auteur réserve t-il à ses personnages !!! Un auteur a malheureusement tous les droits sur eux (à moins de croiser Annie Wilkes dans la vraie vie😱😉), et là j'aurais aimé que la magie interfère, que quelques pages plus loin on efface tout et on recommence, mais non... Bernard Minier en a décidé ainsi, mais une chose est sûre, les aventures de Martin Servaz ne sont pas terminées!! Et puis, ne pensez-vous pas qu'il est normal que les plus grands commandants de police fictifs se croisent dans les couloirs du 36 Bastion des Orfèvres! Mr Minier y a pensé le premier !!! Excellent clin d'oeil à ses comparses du thriller français! Je suis donc à jour en ce qui concerne Martin Servaz, il ne me reste plus qu'à découvrir Les Effaçées pour voir ce que nous réserve le second personnage fétiche de Bernard Minier : Lucia Guerrero...