La rançon du malheur (Liliane Avram)

La rançon du malheur (Liliane Avram)

Auteur : Liliane Avram

Éditions : Ex Aequo

Parution le : 11 avril 2024

116 pages

Thème : Policier

disponible sur le site de l'éditeur

à la FNAC et sur Amazon

Court,intense et entrainant !

 Résumé 

  « Un mystère plane autour de la mort de trois amis décédés à quelques semaines d'intervalle. Tout d'abord, Jérôme Delorme dont le corps a été repêché dans la Seine par la brigade fluviale, puis Antonin Nilsen, découvert pendu à son domicile, et Brice Beaumont, décédé d'une crise cardiaque. Mort accidentelle, mort violente, mort naturelle. Mais est-il naturel que des amis meurent à 26 ans, pratiquement coup sur coup ?... Malédiction ? Coïncidence ?... Lisa, l'une de leurs connaissances, n'y croit pas beaucoup. Quand elle est victime d'une tentative de meurtre, Lisa réalise que Jérôme, Antonin et Brice ont eu affaire à un assassin bien réel et qu'elle est la prochaine sur la liste. Elle fait appel au commandant Marnier qui accepte d'enquêter officieusement sur ces décès. Au même moment, le patron du Bar de l'espérance se fait descendre à l'ouverture de son café. Pour Marnier, double enquête : l'une officielle, l'autre clandestine. Va-t-il réussir à résoudre ces deux affaires et à sauver Lisa tombée dans le piège d'un psychopathe ? »  

 Ma chronique

Je remercie la maison d'éditions Ex Aequo pour cette lecture qui je dois dire à été courte, mais intense et entraînante. Il s'agit d'un format broché, donc à première vue, nous pourrions penser qu'il s'agit d'une novella plutôt, mais en y regardant de plus près, il aurait été sous format poche, ce récit aurait la taille dont j'ai l'habitude de lire en policier. Je maintiens le terme court, parce que j'ai eu envie d'un peu plus de la plume de l'auteure, mais le reste, l'histoire se suffit à elle-même et c'est ce qui est demandé dans ce type de lecture. La couverture seule donne déjà le ton du récit et le résumé nous appuie bien dessus : 3 morts. Trois hommes vont mourir les uns  après les autres, se retrouver au cimetière, laissant derrière eux Lisa, une de leur amie. Leur petit groupe de quatre se retrouve réduit à peau de chagrin et le désespoir semble être le seul sentiment qui lui colle à la peau. Son amoureux et ses amis ont disparu tragiquement. La fatalité, le manque de chance ? Partir si jeune, comme quoi boire ou marcher auprès d’un bord d'eau, il faut choisir, ou encore se sentir coupable de quelque chose pourrait amener un geste mortel. Mais, et si tout cela n'était que faux-semblant ? Dès les premiers chapitres nous suivons leur mort, rapide, efficace et rien ne nous permet de douter, jusqu'à ce que Lisa soit elle-même sur la sellette. Car elle est persuadée d'être la prochaine sur la liste. Mais qui tient une liste de noms ? Qui aurait envie de tuer ce petit groupe ? Que cache-t-elle au final ?

Pourquoi Lisa pense qu'elle sera victime d'un tueur en série, en quelque sorte ? Le fait de perdre ses amis et amant, la plonge dans un état dépressif. Qui ne le serait pas d'ailleurs ? Imaginez-vous perdre votre entourage en quelques semaines ? Morts qui semblent naturelles, mais quelque chose travaille, comme un petit passif qui ne s'est pas totalement effacé. Et puis la vie est courte, leur joie de vivre entière, même si entre eux il y avait quelques contentieux, ils n'ont jamais fait de mal à personne pas vrai ? Jamais intentionnellement, alors... Alors, peut-être que la fois où elle est dans le métro pour voir son psy et sent quelqu'un la pousser sur les rails (loupé, d'ailleurs sinon plus de livre) n'est qu'une idée forgée par son cerveau ? Son désespoir se transforme en panique. Impossible de rester seule, de vivre comme avant, d'aller au travail. Sa vie est chamboulée et rien n'y fera tant qu'elle ne saura pas la vérité. La police a pourtant classé chacune de ses morts sans avoir eu besoin de faire une quelconque recherche. Ici, l'auteure joue sur les faits qui semblent convaincants en étant des exemples d'actes malchanceux et l'esprit d'une jeune femme torturée qui perd les pieds peu à peu. Nous nous demandons où Liliane Avram va nous entraîner. Est-ce que tout est réel ? Est-ce qu'il ne s'agit pas juste d'imagination morbide de la part de celle qui a déjà tant perdue ? J'ai beaucoup aimé la mère de Lisa qui ne montre pas si elle est d'accord avec sa fille ou non sur ses théories, mais elle va faire en sorte de l'aider en la mettant entre les mains d'un policier aguerri. Pas de jugement de ce côté (sauf que Lisa est un vrai cœur d'artichaut et que sa mère sait le lui dire, enfin savait le lui dire avant ces événements), maman Lisa a peur pour sa fille. Que se soit pour sa santé mentale ou sa vie, elle se débrouille pour l'écouter et être présente. Rien n'est simple dans cette histoire car nous surfons sur la tranche mince du réel et du subconscient et que nous-même nous nous posons des questions.

Ces fameuses questions, je n'en dévoilerais aucune ici, mais vous devez bien vous douter qu'il se passe quelque chose de tout sauf de normal. Un groupe de jeunes adultes (j'ai l'impression d'être une vieille en disant cela, mdr) qui est détruit en quelques mouvements. L'intrigue policière est bien présente, sans pour autant être officielle. Marnier est un homme de terrain, une fouine ou plutôt un fin limier qui en a déjà vu des choses pas très nettes. Alors quand il rencontre Lisa et l'écoute, il ne se moque pas d'elle et ne la renvoie pas dans son appartement en la traitant de folle. Il n'ouvre pas non plus d'enquête, aucune plainte de la famille des trois hommes et puis dans un métro il y a tellement de gens que parfois pousser c'est pour mieux entrer dans un wagon. Bien que Lisa soit quelque peu dérangée dans ce qu'elle peut annoncer, des faits sont troublants. L'officiel se cache sous l'officieux et même si Marnier travaille sur un meurtre, il n'hésite pas à poser des questions pertinentes sur les jeunes gens. C'est ce que j'ai aimé dans cette intrigue, les jugements sont mis de côté pour tenter de comprendre ce qui se passe dans sa tête et dans sa vie aussi. L'isoler pour mieux la récupérer ? Ou l'isoler pour mieux la faire souffrir ? Ou tout simplement la folie qui se serait emparée de son être ? Qui sait ? Les chapitres sont courts apportant cette sensation de précipitation, pour sauver ce qui peut l'être encore. La double enquête nous entraine sur des traces insoupçonnés, sur le passé de tous ces personnages et de chercher des liens. Marnier ne lâche rien et avec son collègue et ami Dubois ils forment un duo du tonnerre. Le fait que l'auteure parle de la passion de Marnier pour Sherlock Holmes n'a eu de cesse de me trotter dans la tête. Dubois et Marnier sont à notre époque Holmes et Watson (même si le chien a eu le droit à ce prénom). Le respect entre eux est indéniable et les enquêtes ne sont jamais au point mort.

Brice, Antonin, Jérôme, Lisa, quatre prénoms, quatre hommes et femme qui avaient la vie devant eux. Il aura suffit d'un chamboulement pour que leur destin ne soit plus tracé. Les épreuves sont difficiles et Lisa va devoir avancer. Entre les hypothèses, les doutes et les certitudes, elle fera ce qu'il faut pour rester en vie, quitte à se camoufler derrière ses volets. Toutes les questions que nous pouvons nous poser ont droit à une réponse au final. Marnier est curieux de nature, il a les yeux partout et même si sa mémoire n'est pas toujours infaillible, il sait, il sent quand quelque chose se rame. Un lien, un fil invisible peut-être qui lui permet d'être reliée à une potentielle victime. peut importe, il le ressent jusque dans ses tripes. C'est là que nous comprenons que les enquêtes ne se résolvent pas en une nuit. il faut du temps, de la patience, de la recherche, être capable de se questionner, de noter, de garder en mémoire, de poser les bonnes questions, d'avoir de bons témoins et bien d'autres choses encore. Nulle n'est à l'abri d'un mauvais acte, d'un geste qui serait à l'origine d'une dernière demeure. Nous n’entrons pas dans la tête du personnage qui tient la liste, mais lorsque nous avons enfin le pourquoi et l'aperçu... c'est froid, très froid. Les frissons sont bien présents dans le dos, remontant dans le cou pour nous bloquer la respiration. La vérité, même si elle fait mal devrait toujours être mis en avant, pourtant les peurs de l'Homme sont au cœur même du problème. Et ce qui aurait pu être évité devient un tour de force incroyable.

L'ambiance est tout sauf joyeuse, pour autant la lumière arrive à percer les nuages et un peu de bonheur semble s'approcher. Quelques moments que nous suivons nous font sourire, aussi bien avec Lisa, qu'avec Marnier ou encore Greg, un ami des quatre, ou même Watson. Je n'ai pas parlé de Greg, un tort, c'est le type même qui a du mal à trouver sa place, qui ne sait pas trop comment se faire comprendre et surtout je le qualifierais d'opportuniste. Je n'en dirais pas plus à son sujet, comme d'autres personnages que nous côtoyons par endroit et qui apporte des moments clés à l'histoire. La double enquête est difficile à clôturer, le danger est partout. En qui pouvons-nous faire confiance ? Qui est véritablement un ami ? J'ai été surprise à plusieurs reprises en me trompant sur les intentions des uns et des autres. Un véritable jeu de piste que nous offre l'auteure avec des miettes de pains laissées un peu partout pour au final nous rendre compte que certains personnages préfèrent les manger plutôt que d'appâter les autres avec. En d'autres termes, ne vous fiez pas aux apparences, le danger est souvent bien plus proche que nous pouvons le croire et les personnes en qui nous sommes sur et certain qu'ils sont bons, ne le sont absolument pas ! Le suspense est à son comble, lorsque nous comprenons que notre cher policier tient le bon filon et qu'il risque d'arriver trop tard. son âge dans le récit nous montre qu''il n'est plus enclin à suivre la procédure et qu'il ne risque rien de ce coté, ou presque rien. Tant qu'une vie est sauvée, le reste importe peu. Nous courons avec lui, nous passons par-dessus des fenêtres, glissons dans des lieux humides et froids, mais au final nous avons les réponses à nos questions concernant ce qui s'est réellement produit pour Jérôme, Brice, Antonin et Lisa. Juste un petit truc qui me chiffonne, c'est la fin, la toute fin du livre. J'avoue ne pas avoir compris pourquoi l'auteure est partie là-dessus, mais cela ne change pas les enquêtes pour autant, ou ses dénouements.

En conclusion, un policier entraînant, avec une plume capable de nous laisser couper le souffle. Des chapitres courts qui nous donnent ces moments de précipitation : il faut sauver Lisa ! Un rythme intense avec des détails et des traces de ce qui pourraient être l'origine de ce qui se produit. L'auteure a su apporter une atmosphère lourde avec de nombreuses questions sur la santé mentale d'un personnage et de tout ce qui se passe autour de lui sans pour autant utiliser le moindre jugement. Beaucoup de bienveillance (pour ceux et celles qui ne veulent que le bien de Lisa entre autre) et de quoi nous faire garder un couteau proche de notre oreiller. C'est à la fois simple et efficace. J'ai adoré suivre Marnier dans ses réflexions et comprendre jusqu'où il est capable d'aller. En voyant arriver j'ai eu la pensée de me dire que je serais probablement en manque au sujet de l'intrigue : il n'en est rien. Les mots se suffisent à eux-même. Ici il ne s'agit pas du nombre de pages qu'il faut garder en mémoire, mais la façon dont l'auteure apporte ses éléments et les mets en valeur. Les émotions sont là, la psychologie soufflée sur des braises ardentes d'une vengeance qui entraine trop souvent dans la tombe. Je lirais de nouveau cette auteure par plaisir, car il s'agit de son septième livre dans cette maison d'éditions !

 Extrait choisi :  

«  Bien qu'officier de police judiciaire depuis des lustres, Marnier ne s'habituait pas au crime. Le constat était terrible : il s'en commettait de plus en plus. Pour un oui pour un non, pour un regard, pour une cigarette, pour un mot, on sortait le flingue ou le couteau. C'était un lycéen amoureux qui poignardait un rival ; un groupe de jeunes désœuvrés qui lynchaient un adolescent à dix contre un. Le monde n'était que violence, lâcheté, règlements de comptes, meurtres... Pourtant, Marnier ne désarmait pas. Dans les bons jours, il pensait que la société pouvait toujours évoluer, dans les mauvais, que l'humanité courait à sa perte. Mais il aimait son métier, et par respect pour les victimes il se devait de continuer. »

La rançon du malheur (Liliane Avram)


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