La nuit, le son de ta voix – Laure PFEFFER

Par Lamouche

A paraitre le 05 juin 2024

La nuit, le son de ta voix
Par
Laure Pfeffer
Chez Thierry Magnier, collection « L’Ardeur« 

Avertissements de contenu : lesbophobie, harcèlements scolaires, validisme, élitisme.

Alors qu’elle entre dans ce prestigieux lycée parisien pour s’arracher à la réputation de fille bizarre qui lui collait à la peau dans son collège de banlieue, Romane est prise de vertige. A-t-elle fait le bon choix ? Sans trop savoir pourquoi, elle s’inscrit à un cours de théâtre et rencontre Noûr. Romane est hypnotisée. Cette fille, sa voix, ses cheveux, chacun de ses gestes, tout chez elle l’obsède et l’attire.


Décidément, cette collection aura ma peau. Elle est si forte ! Chaque livre que j’ai lu de L’Ardente ont tous été excellent ! La nuit, le son de ta voix parle des doutes d’une lycéenne arrachées à sa petite banlieue pour le prestigieux lycée Henri IV. Elle préfèrerait « mourir que d’être lesbienne » nous confit-elle. Cela me fait penser au protagoniste de La Chasse – même collection, même éditeur – qui lui est paumé dans sa campagne et dans les préjugés de celle-ci.

Romane est timide, si bien que lorsqu’elle se perd dans ce nouveau lycée pour son premier cours d’anglais, la voilà obligée de chanter devant toute la classe, lui créant ainsi une angoisse constante autour du temps. Elle ne se reconnait pas dans ce petit monde où les vêtements de marques – voire de luxe ! – sont la norme.
Heureusement : il y a le cours de théâtre. L’anxiété lui fait rater le premier cours mais le deuxième l’a conquise. Enfin non : Noür l’a conquise. Élève des quartiers comme elle, anomalie dans le lycée. La psychologie des personnages est tellement réussie qu’on se retrouve dans notre propre adolescence, avec les doutes et les coups de sang qui vont avec. La relation entre Romane et ses parents est vraiment bien décrites, par exemple. L’incompréhension inter-générationnel, la solitude de l’enfant unique…
Laure Pfeffer a su retranscrire ce que c’est, cette adolescence, cette découverte de l’amour, du désir, de la sexualité. Le hors norme, également, car Romane comme Noür sont hors-normes. Deux femmes, une d’elle aux origines libanaises, qui se tournent autour, les deux pas forcément hétérosexuelles comme la société le voudrait.

Si j’ai tout adoré de ce roman, il y a un bémol, et de taille : pourquoi, sur la couverture, les deux jeunes filles sont blanches alors que nous avons en protagoniste une adolescente arabe? Cela me déçoit profondément de la maison d’édition, de ce choix. Les femmes racisées ont le droit d’être en première de couverture. La représentation des personnes minorisées, ce n’est pas seulement dans le livre, c’est également tout ce qu’il y a autour !
Cette partie est barrée car, à la publication de ma chronique et suite à mes suppositions, l’éditrice de Thierry Magnier m’a contacté pour me donner sur les points soulevés. La maison d’édition a en effet la volonté de travailler avec les oeuvres de la photographe Cha Gonzalez, notamment pour l’esthétique de ses photos mais surtout avec une volonté d’offrir des corps réels, qui ne sont pas retouchés, afin que les adolescentes et les jeunes adultes s’y retrouvent.
Je vais citer, et rejoindre l’éditrice dans ses mots : « C’est une couverture imparfaite, mais qui transcrit fidèlement, je crois, la luminosité et la joie de ce roman. »

Ce roman est naturel. La nuit, le son de ta voix normalise tout ça. Ces questionnements, cet amour. C’est un roman parfait, réussi. Bravo, Laure Pfeffer.