Ce livre se divise en trois parties : un roman inédit lui donnant son titre écrit entre 1956 et 1957, quinze nouvelles et nous dit l’éditeur une pièce de théâtre (Echanges) ? là encore écrits à la même époque à peu près.
Un roman très étonnant auquel je ne m’attendais pas de la part d’un Leonard Cohen que je ne connaissais que par ses chansons, n’ayant jamais lu ses nombreux autres livres.
A Montréal, le narrateur, la trentaine, comptable, loge petitement dans une pension où il reçoit régulièrement son amie Marylin, un train-train hygiénique dont il se lasse mais dont il n’a pas le courage de s’échapper (« Je n’arrivais pas à me décider à rompre avec elle »). Cette routine va être interrompue quand un coup de fil de New York lui apprend que son grand-père devenu très âgé, et qu’il ne connait pas, va venir terminer ses jours avec lui.
A la gare il récupère le vieil homme et déjà les embrouilles débutent, le vieux crache sur un flic et à la pension il casse une vitre de la fenêtre de leur chambre ! Et comme la valise du voyageur a été égarée, le narrateur tente de la récupérer à la consigne où l’employé va lui aussi déclencher (sans qu’on ne comprenne très bien pourquoi) une vive réaction du narrateur : il le prend immédiatement en grippe (« Parce que vous êtes faible, laid et dégoûtant »).
Le roman devient cocasse et inquiétant avec une montée de la violence gratuite. Le grand-père s’avère caractériel, malpoli, agressif, imprévisible tout en ne parlant pas très bien la langue. Trouvant dans la violence un moyen d’expression et de libération qui va bien vite déteindre sur notre narrateur qui semblait jusqu’ici assez timoré. Le mauvais exemple de l’aïeul le pousse à vouloir humilier l’employé de la consigne affligé d’un bec de lièvre, il va le suivre et épier ses faits et gestes, s’immiscer dans sa vie privée et au summum de sa haine, coucher avec sa femme pour l’achever… mais… Et le bouquin de s’achever sur une pirouette amusante ?
L’intrigue repose sur le système des vases communicants, en humiliant sa victime le narrateur espère se libérer de ses propres tourments, « entamant son voyage vers la pureté ». Quand la recherche de la compréhension de sa propre conscience vous entraine sur les chemins de la perversité... ?
Un peu déroutant mais pas mal néanmoins.
« Lentement nous avons gravi les marches jusqu’à ma pension, il n’arrivait à monter qu’une marche après l’autre. Il me tenait toujours la main, ne l’a lâchée qu’une seule fois durant l’ascension pour me tapoter l’épaule et murmurer quelque chose qui ressemblait à « Bon garçon ». Quand nous sommes arrivés au balcon, il s’est penché au-dessus de la rambarde et a craché dans la rue, tout en m’adressant un clin d’œil. Nous sommes entrés dans ma chambre, il s’est immédiatement laissé tomber sur mon lit et, en quelques secondes, il dormait, sans avoir retiré ses chaussures ni ses vêtements. »
Traduit de l’anglais (Canada) par Nicolas Richard