En deux mots
Maître Soho rentre chez lui dans le sud du Japon. Le samouraï décide de prendre sa retraite le jour où naît Ibuki, fille d’un producteur de saké. Bien des années plus tard, elle prend la route pour se rendre chez Maître Soho, car elle entend accomplir son rêve, devenir samouraï en dissimulant son sexe. Auprès de son professeur, elle va apprendre le sabre et le thé.
Ma note
★★★★ (j’ai adoré)
Ma chronique
La fille qui rêvait d’être samouraï
Cyril Gely nous offre un nouveau formidable roman. Après Le Prix, il nous entraîne cette fois dans le Japon de l’ère Meiji sur les pas d’une jeune femme qui aspire à devenir samouraï. Une quête partagée par un maître et qui l’entrainera jusqu’en… France. Un superbe conte où l’on apprend autant à manier le sabre qu’à déguster le thé.
À l’image du Ying et du Yang, la vie de maître Sohô se partage désormais en deux pôles, le sabre et le thé, la vie et la mort, l’honneur et le déshonneur. On apprendra plus tard les raisons pour lesquelles il a décidé de rentrer chez lui en juillet 1853 pour retrouver son sud natal, sa femme et l’odeur des pins et de remiser son sabre dans son fourreau pour ne plus s’en servir.
Au même moment, au nord du pays naît Ibuki Ozu, la fille d’un producteur de saké.
Des vingt années qui suivent on n’apprendra pas grand-chose, si ce n’est la déchéance progressive des samouraïs, la vie recluse de maître Soho après le départ de son épouse, et la volonté farouche d’Ibuki de devenir samouraï, fonction réservée aux hommes.
Au désespoir de son père qui pensait bien pouvoir la faire changer d’avis, elle ne démord pas de son ambition, se travestit en homme et part retrouver son maître. Au bout de son périple, ce dernier refuse tout d’abord ce nouvel élève, car il se consacre dorénavant au thé. Mais le visage de ce visiteur têtu le trouble et le vieil homme finit par le prendre sous son aile.
Commencent alors de longues heures de travail et de réflexion, de rites et d’entrainement pour faire à la fois d’Ibuki un samouraï et une spécialiste du thé. Le tout s’achevant dans une épreuve initiatique dont je ne vous dévoilerai rien.
Comme toujours avec Cyril Gely, le récit va à l’essentiel. Ici les phrases sont sans fioritures, simples et directes, concentrées sur les faits, les impressions et – très important ici – sur le goût et les odeurs. D’une pureté égale au propos, mais aussi d’une grande sensualité. Elles donnent à ce roman plein de bruit et de fureur un délicat contraste. Une envie de dépasser les horreurs de la guerre par le raffinement d’une cérémonie du thé. Suivez sans hésiter Ibuki dans ce voyage à travers le Japon et régalez-vous avec ce conte philosophique qui fleure bon l’épopée et nous rappelle fort à propos que la volonté peut déplacer des montagnes. Cyril Gély étant un auteur rare, il serait dommage de manquer cette nouvelle petite merveille !
Le dernier thé de maître Sohô
Cyril Gély
Éditions Arléa
Roman
200 p., 18€
EAN 9782363083753
Paru le 2/05/2024
Où ?
Le roman est situé principalement au Japon, principalement dans le sud du pays, à Okazaki. On y évoque aussi un voyage en France.
Quand ?
L’action se déroule dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Ce qu’en dit l’éditeur
Juillet 1853. La flotte américaine entre dans la baie d’Edo. La modernité rattrape le Japon. Mais Ibuki, une jeune femme rebelle, n’a qu’un rêve : devenir samouraï. Elle part en quête d’Akira Sohô, illustre guerrier qui a délaissé la violence du sabre pour la voie du thé. Leur rencontre sera bien plus qu’un affrontement entre maître et disciple. Tout les oppose mais les extrêmes, dit-on, finissent toujours par se rejoindre.
Voie du sabre ou voie du thé ? Ce conte poétique nous emporte dans le Japon de la tradition mais aussi dans l’histoire de deux destins qui trouveront leur accomplissement.
Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
France info Culture (Carine Azzopardi)
20 minutes
Bulles de culture
Les premières pages du livre
« La sagesse de tout l’univers se trouve dans un bol de thé.
I
Akira Sohô était fils de samouraï. Et samouraï lui-même. Il tenait le monde au bout de son sabre. Il avait gagné de nombreuses batailles. Il en avait perdu quelques-unes aussi. Son corps n’était qu’une cicatrice. La plus petite, ronde et ocre, avait la taille d’une balle. La plus grande lui balafrait le torse, de l’épaule gauche au flanc droit. Akira Sohô avait aimé l’aube immobile avant l’assaut, l’odeur des cerisiers en fleur au milieu des combats, et la clarté de la lune quand la victoire était sienne. Pourtant, un soir d’été 1853, en dépit de toutes les règles, il avait laissé son sabre au fourreau. Il avait cessé de se battre et était rentré chez lui, retrouver sa femme, à Okazaki.
– Toi, et la fraîcheur des pins, avait-il simplement dit. Depuis, chaque matin, il portait de l’eau à ébullition, y jetait quelques feuilles de gyokuro ou de sencha, et le reste de la journée il savourait son thé.
De l’autre côté du Japon, à Niigata, Monsieur Ozu produisait et vendait du saké. Il tenait les hommes au cœur de ses bouteilles. Un soir d’été 1853, le même soir où Akira Sohô tourna le dos à la guerre, Monsieur Ozu avait bondi de joie. Sa fille Ibuki était née. Mais passé l’aube son ivresse avait viré au chagrin. Sa femme adorée avait succombé à une fièvre brutale. Monsieur Ozu, dès lors, s’était noyé dans son saké. Longtemps. Entièrement. Au point que les villageois s’inquiétèrent. Puis une nuit Monsieur Ozu sortit de sa torpeur. Ce n’étaient pas les chiens errants qui hurlaient à la mort, ni le chant des cigales, mais un cri qu’il semblait entendre pour la première fois. Celui de sa fille.
Il s’approcha et la prit dans ses bras. Les yeux embués de larmes, il lui sourit.
– Ibuki, murmura-t-il.
Les Ozu produisaient et vendaient du saké depuis huit générations. Peut-être le meilleur du Japon. L’empereur lui-même l’avait apprécié à quatre reprises, dit-on, le jour de son mariage. Un honneur indicible qui avait rejailli sur la famille entière.
– Un bon saké, confessait Monsieur Ozu à sa fille, le soir pour l’endormir, c’est l’harmonie parfaite entre le riz et l’eau. Un riz onctueux et une eau de très grande qualité. Ici à Niigata nous avons la chance d’avoir les deux. Des rizières à perte de vue qui se fondent dans les brumes et le flanc des montagnes. Et la neige qui tombe en abondance nous apporte cette eau d’une pureté exceptionnelle. Ibuki gazouillait, observait l’homme qui la berçait.
– Sais-tu que l’empereur, le jour de son mariage…
– Oui, père, s’exclama-t-elle tout à coup le matin de son quatorzième anniversaire. Tu me l’as répété cent fois. Les Ozu de Niigata s’étaient installés à l’entrée du village en 1678 et avaient établi leur brasserie, qui sentait bon les effluves de riz brûlant, l’odeur sucrée du bois et le doux parfum de l’alcool, sur la rive est du fleuve Shinano. 1678. Huit générations. Pourtant, quand Ibuki eut vingt ans, elle fixa tendrement son père et dit :
– Non.
– Non ?
– Il n’y en aura pas une neuvième.
Depuis ce terrible été 1853, Monsieur Ozu n’avait pas bu une goutte d’alcool. Mais ce matin-là il sentit son palais s’assécher.
– Et qu’aimerais-tu faire ? se risqua-t-il.
– Samouraï. Monsieur Ozu manqua de s’étouffer. Ibuki tenait de sa mère des yeux sombres et intenses, qui laissaient deviner une volonté indéfectible. De son père elle avait pris la peau blanche, comme le saké qu’il vendait, son corps frêle et sa santé fragile qui l’obligeait à s’aliter dès l’arrivée des grands froids.
– Et puis, et puis…
– Quoi ?
– Tu es une femme !
Père, depuis des années je vais chaque jour dans les montagnes et je donne mille coups de sabre.
– En donnerais-tu deux mille ce n’est pas un métier pour une femme. Ce n’est même pas un métier ! On naît samouraï, on ne le devient pas.
– Justement, je ne suis pas née pour vendre du saké. »
À propos de l’auteur
Cyril Gely est romancier, auteur de théâtre et scénariste. Il est notamment l’auteur de Diplomatie, récompensé par le César de la meilleure adaptation, et du Prix (Albin Michel, 2019), finaliste du prix des Libraires. (Source : Éditions Arléa)
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